"Drive-Away Dolls", dernier voyage cinématographique d'Ethan Coen, dévie avec audace des sentiers battus pour nous embarquer dans une escapade à la fois déroutante et fascinante. Ce road movie comique, peuplé de personnages hauts en couleur et de rebondissements inattendus, oscille entre le génie et le désordre, nous laissant, en tant que spectateurs, dans un état de perplexité partagée.
Le film s'ouvre sur une scène de bar à Philadelphie, aussi sombre qu'énigmatique, introduisant une atmosphère de thriller qui s'évapore aussitôt pour céder la place à une comédie de mœurs débridée. Les protagonistes, Jamie et Sukie, incarnées respectivement par Margaret Qualley et Geraldine Viswanathan, forment un duo à l'alchimie palpable, dont la dynamique fluctuante est le moteur de ce périple chaotique vers Tallahassee.
Le scénario, co-écrit par Coen et Tricia Cooke, tisse une trame où le burlesque et le macabre dansent un tango serré, nous menant de bars lesbiens en scènes d'action improbables, jusqu'à un climax aussi absurde que surréaliste impliquant des godes moulés sur des personnalités publiques. Ce choix audacieux, bien qu'original, pèche parfois par son manque de cohérence, laissant le spectateur dans une confusion qui reflète celle des protagonistes.
La réalisation, première aventure solo de Coen, est ponctuée d'éclairs de génie visuel, notamment dans l'utilisation de paysages américains comme toile de fond à cette quête d'identité et de liberté. Cependant, l'absence de la contrepartie habituelle de Coen se fait ressentir, entraînant par moments un manque d'équilibre dans le rythme et le ton du film.
Le casting, riche et diversifié, avec des performances notables de Colman Domingo, Pedro Pascal et Matt Damon, apporte une profondeur inattendue à ce qui pourrait autrement être perçu comme une farce. Chaque personnage, bien que parfois caricatural, offre une fenêtre sur les diverses facettes de l'expérience humaine, enrichissant le récit de nuances subtiles.
La bande originale, mélange éclectique de genres, accompagne avec justesse les péripéties de nos héroïnes, soulignant les moments de tension comme de tendresse. La photographie d'Ari Wegner, capturant avec brio l'essence du road trip américain, est un des points forts du film, insufflant une dose de poésie visuelle dans ce périple désordonné.
En somme, "Drive-Away Dolls" est une œuvre à l'image de son score: une symphonie inégale de moments brillants et de dissonances, qui, bien que ne formant pas un tout cohérent, reste une expérience de cinéma qui défie les conventions. C'est dans cette oscillation entre l'ingéniosité et l'absurde que le film trouve sa place unique, nous laissant, en fin de compte, avec plus de questions que de réponses.