Plus de 7 ans après son précédent «Loving», Jeff Nichols continue d'explorer et de dépeindre l'Amérique des marginaux, cette fois-ci en focalisant sa caméra sur un club de motards situé dans le Chicago des années 60 et appelé les "Vandals", nous retraçant d'abord son ascension, puis sa transformation progressive (et inéluctable ?) en gang violent et dangereux.
S'inspirant du livre homonyme du photographe Danny Lyon, l'histoire de ce club de bikers nous est raconté du point de vue de Kathy (Jodie Comer), une jeune femme au caractère bien trempé, tombée amoureuse de l'un de ses membres, l'énigmatique et imprévisible Benny (Austin Butler), allant jusqu'à l'épouser.
Un mariage qui ne sera pas forcément du goût de tout le monde, en particulier de l'imposant Johnny (Tom Hardy), fondateur et leader du club.
À qui a-t-il juré fidélité ? À qui doit-il rester le plus loyal ? Telles sont les questions qui taraudent nos protagonistes, alors qu'autour d'eux, les valeurs que portaient les "Vandals" en eux vont peu à peu se perdre.
Commençant comme un film de bande et basculant petit-à-petit dans le film de gang, Nichols nous dépeint le club fondé par Johnny comme une confrérie, un refuge pour les rejetés, les rassemblant tous sous un même toit, les revêtant tous du même blouson.
Ensemble, ils ne suivent que les règles de leur club et détonnent clairement dans le paysage conservateur qui les entourent. Libres et sans attaches sur leurs motos, ils ne font pourtant qu'un : s'attaquer à l'un d'entre eux, c'est s'attaquer à tout le groupe.
Un club qui va gagner en popularité et s'étendre aux quatre coins de l'état, attirant de plus en plus de candidats voulant rejoindre ses rangs à tout prix. De nouveaux adhérents, bien plus fanatiques et violents, qui vont changer pour toujours le visage des "Vandals" et le message qu'ils véhiculaient à leurs débuts.
Dans la mouvance de «L'Équipée sauvage» (1953), le film rappelle, de par sa narration "rise and fall", la caractérisation de certains de ses personnages et son dispositif scénique (la voix-off très présente), les œuvres mafieuses made in 90's de Scorsese.
Niveau casting, Austin Butler est toujours aussi charismatique, Tom Hardy en impose en Tom Hardy et Jodie Comer a un jeu (et une voix) trop souvent maniéré pour convaincre comme il faudrait. Le trio est entouré d'une belle galerie de gueules, dont Norman Reedus (tout droit sorti d'un «Easy Rider») et bien évidemment le toujours fidèle Michael Shannon.
Illustré par une mise en scène classe mais classique et une BO reprenant les standards de l'époque, un film qui se veut sincère dans les thématiques qu'il aborde, mais dont j'ai perçu parfois le côté préfabriqué et trop propre dans son exécution, qui manque de caractère, malgré quelques touches d'émotion par-ci par-là.
Un film qui déroule son récit comme une moto lancée sur une longue route bien droite : tout roule tranquillement, sans accroc, mais également sans grandes fulgurances ni réels rebondissements.
Au vu de son sujet et de son univers, un film moins mécanique et moins sage n'aurait sans doute pas fait de mal pour donner à cette histoire l'ampleur qu'elle mérite.
Une petite déception à mes yeux, et une œuvre plutôt mineure dans la filmo de son réalisateur, devant laquelle je m'attendais à être un peu plus transporté. 6,5/10.