Prenez Easy Rider, La Fureur de vivre et L’Équipée sauvage, mélangez au livre The Bikeriders (de Danny Lyon, comme le film ne le mentionne jamais que comme "écrit par un photographe", on vous le donne) : vous avez ce joli film de fantasme mascu. Jeff Nichols oblige, les plans sont soignés, les personnages sont touchants (surtout le "James Dean qui ose pleurer", notre personnage préféré), les belles bécanes sont un ravissement pour les yeux (on se prend à descendre le regard de l'acteur vers sa moto, oubliant complètement la scène pour reluquer la beauté cylindrée qui luit au soleil...). The Bikeriders jouit d'un casting de qualité entre le sosie parfait de James Dean (Austin Butler, comme d'habitude rayonnant), un Tom Hardy qui est tellement à fond dans son personnage qu'il ne voit même pas la voix atroce qu'il lui fait prendre (on n'a jamais pu le prendre au sérieux, avec cette voix de fillette de six ans... Mais où est-il allé chercher cette voix ?), et Jodie Comer qui elle aussi se donne beaucoup de mal pour donner l'impression que son personnage (le seul féminin) arrive à respirer dans ce récit de mecs, par des mecs, pour des mecs. On s'explique. The Bikeriders porte un amour inconditionnel à ses modèles de bikers (Easy Rider, La Fureur de vivre, L’Équipée sauvage), sans nuancer son propos "dans son jus" ultra macho, en lissant beaucoup la réalité (c'étaient des voyous alcoolos, drogués et irresponsables) pour en faire une image d’Épinal à adorer pour un certain public masculin nostalgique, ce qui nous a perdu au bout de cinq minutes (les femmes ne touchent pas à la moto et restent gentiment à la maison, les mecs ne font que picoler et se taper - parfois les deux -, griller des feux rouges bourrés alors qu'ils ont des gosses, retaper une bécane à plusieurs milliers de dollars alors que la maison de Madame tombe en ruine, bref : vous êtes une femme, ce fantasme est un pur cauchemar). Mais, étrangement, on ne voit jamais les bikers se droguer ou enchaîner les propos racistes (surtout liés à la guerre du Vietnam), ce qui confirme le lissage, pour en faire une image aimable pour un certain public-cible. Le fantasme a juste soixante ans de retard, et oublie de laisser de l'espace au récit (il ne se passe quasiment rien : pas de braquage, de lutte contre un autre gang, on ne voit pas les conséquences du
changement de chef
... Le film se base sur des interviews qui nous racontent tout avec une voix-off lourde). On ne sait pas plus ce que font ces gens dans la vie (d'où vient le fric pour les cylindrées ?), ni pourquoi Michael Shannon disparaît de l'écran pendant plus d'une heure (sans explications), ni ce que fait le gang en-dehors des pique-niques (on ne les voit pas souvent rouler). Vraiment, heureusement qu'il y a Jeff Nichols derrière la caméra, car il sait filmer ses vedettes, il nous raconte sincèrement son amour pour les bikers (même si on ne le partage pas, on comprend son point de vue, et il le défend vaillamment), et son casting se donne à deux mille pour cent (on a vraiment été bluffé par la ressemblance d'Austin Butler avec James Dean). Donnant un film où l'on n'est clairement pas le public-cible (un fantasme daté), mais qui est très soigné, et rend hommage à un livre-photo (de Danny Lyon) qu'on est curieux de feuilleter. On repart sur notre Harley rutilante (dans nos rêves) dans le soleil couchant, direction d'autres salles de cinéma pour de nouvelles aventures.