Le précédent film de Jeff Nichols, qui remonte tout de même à presque une décennie, était déjà davantage tous publics que ses premières œuvres telles que « Take Shelter » ou « Mud », clairement inscrites dans le sérail du cinéma indépendant. Mais « Midnight Special » demeurait tout de même singulier de par son genre, la science-fiction, et son traitement à mi-chemin entre les films Amblin de Spielberg et la SF intello. Ici, pas que « The Bikeriders » soit un grand film populaire à voir en famille mais en tout cas une œuvre accessible, facilement appréhendable, potentiellement intéressante pour tout adulte et agréable à regarder dans le but de se divertir. Et il réalise ici l’un de ses meilleurs films, comme quoi parfois la simplicité a du bon. On nous plonge dans une reconstitution impeccable du Midwest des années 60, appliquée et discrète mais très à propos, qui nous parfume d’un agréable sentiment de nostalgie. La patte vintage et rétro du film est, en effet, délicieuse et joue beaucoup dans la réussite de « The Bikeriders ».
Outre cet aspect ainsi qu’une mise en scène simple et efficace, le montage dynamise le récit avec brio. Comme le film est adapté de l’œuvre de Danny Lyon, qui avait suivi ce club de motards durant quelques années (entre interviews et photographies), on alterne l’adaptation de ces mémoires de l’époque avec l’interview quelques années plus tard de la femme de l’un des membres du club. Ce procédé et la voix off de celle-ci sur les différentes séquences (utilisé avec parcimonie) permet de donner du recul au spectateur sur ce qu’il voit, de manière intelligente. Et c’est Jodie Comer qui incarne cette jeune femme et elle volerait presque la vedette à ses partenaires masculins d’un casting quatre étoiles de très haute volée, entre stars établies, seconds rôles de luxe (Michael Shannon, Norman Reedus, ...) et jeunes pousses (Mike Faist, Toby Wallace, ...).
Comme dans « Le dernier duel » où elle côtoyait, excusez du peu, Ben Affleck, Matt Damon et Adam Driver, et leur tenait dragée haute, elle fait de même ici avec un personnage bien écrit et qui ne sert jamais de faire-valoir mais plutôt de baromètre moral. De son accent à ses expressions, elle est géniale. Mais ses deux costars ne sont pas en reste. En effet, Tom Hardy, en pleine méthode Actor’s Studio, est parfait pour ce rôle de leader trouble même si son jeu louche de plus en plus sur les postures d’un Robert de Niro de fin de carrière. Quant à Austin Butler, il prouve ou confirme que c’est peut-être un futur Brad Pitt ou Tom Cruise de son époque avec ce rôle de motard taciturne et ténébreux où son charisme explose après ses prestations mémorables dans « Dune 2 » et « Elvis ». Bref, voici l’un des ensembles de casting les plus probants et réussis de l’année.
On suit donc cette chronique d’une certaine Amérique fantasmée avec beaucoup de plaisir malgré un petit ventre mou en milieu de bobine, le film aurait d’ailleurs gagné à être raccourci d’une dizaine de minutes. Et s’il est vrai qu’il manque d’une véritable principale, symptomatique d’une adaptation de ce qui s’apparenterait presque à des carnets de voyage, la somme de tous les micro-évènements narrés ici est intéressante, bien écrite avec des dialogues percutants et des séquences diversifiées. En filigrane, on pressent la création des fameux Hell’s Angels et on aborde des thèmes comme la misogynie de l’époque et la place de la femme (à l’ère de MeToo, une scène est d’ailleurs très éloquente et montre bien l’évolution des mentalités), le retour de la Guerre et d’une société qui ne sera jamais plus pareille ou encore le besoin d’appartenance à un groupe. Et « The Bikeriders » de tisser le portrait d’une époque fantasmée aux accents mythiques. Un film rare, unique et surtout très réussi.
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