Un ballet de fantômes hypnotique
Heureux – et courageux - cinéma iranien qui, en plus de Kiarostami, Panahi, Fahradi, Roustaee, et Rasoulof, peut également compter sur Mani Haghighi. Ces 107 minutes de drame d’une folle originalité attestent d’un vrai talent. À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension va naître une histoire d’amour... et de manipulation. A lire ce pitch, on se dit qu’on nous en dit déjà trop. Eh bien, la performance scénaristique consiste à nous tenir en haleine de bout en bout avec les liens de plus en plus inextricables tissés par les 4 personnages. Diabolique !
De ce réalisateur iranien, je n’avais vu que Pig, en 2108, un film pour le moins déroutant. Déjà ! Même, si, il y a 5 ans, il faisait dans le burlesque et l’absurde, on trouvait un goût pout l’écriture d’histoires déjantées. Celle-ci est basée sur des questions existentielles telles : Qu’est-ce que cela ferait d’avoir un clone – ou un sosie parfait - ? Comment pourrait-on vivre avec cela ? Une question à la fois mystérieuse et très forte sur un plan purement dramaturgique. Le film emprunte à la fois au thriller psychologique, aux cinémas réaliste et fantastique. On ne trouve ici aucune stylisation superflue mais plutôt une approche frontale du sujet. Et rien n’est laissé au hasard. On peut s’interroger sur cette pluie torrentielle et permanente qui noie l’action de la 1ère à la dernière minute. Elle est, selon moi, le signe que l’histoire racontée n’est qu’une infime conséquence collatérale d’un problème beaucoup plus grand. Comme si l’univers tout entier était déréglé. Il faut oser ce moment rare de cinéma pas tout à fait comme les autres.
Le casting participe grandement à la réussite de ce drame avec le couple – j’allais dire « les couples » -, campé par Taraneh Alidoosti - Le Client, Leila et ses frères -, et Navid Mohammadzadeh, - La Loi de Téhéran, Leila et ses frères -, absolument remarquables car, à aucun moment ils ne jouent sur des détails pour caractériser leurs doubles personnages, mais simplement sur des subtilités psychologiques… très fort. Ajoutons les noms d’Esmail Poor-Reza et du petit Fahram Azizi, et je vous aurais tout dit sur ce film que je vous conseille de découvrir au plus vite. Un angoissant théâtre d’ombres dans un Téhéran transformé en capitale de la paranoïa, qui nous fait admettre un postulat parfaitement improbable. Un tour de force.