À Great Yarmouth, sur les bords de la mer du Nord, dans l’une des villes les plus pauvres d’Angleterre, Tania, la quarantaine, dirige avec son mari Richard un trafic juteux : elle fait venir des immigrés portugais en Angleterre, les entasse dans des meublés miteux et fournit cette main d’oeuvre docile et bon marché à un abattoir de volailles.
Dans la veine d’un Ken Loach, auquel il emprunte les mêmes décors gris et pluvieux d’une Angleterre paupérisée, Marco Martins dénonce l’exploitation dont sont victimes les migrants portugais du Norfolk. Il donne la vedette à Beatriz Batarda, qui jouait déjà dans ses précédents films, dans le rôle ambigu d’une marchande de sommeil portugaise qui ment aux autres (elle cache à son mari ses gains) et à elle-même (elle croit qu’elle protège ses compatriotes alors qu’elle les exploite éhontément).
Sa routine va être bouleversée par la mort d’un migrant et par l’arrivée de son frère qui le recherche. Le rôle est interprété par Nuno Lopes, un grand acteur portugais (on l’a vu dans "Tout le monde aime Jeanne", dans "Traces" que j’avais tant aimé, dans "Les Lignes de Wellington"). Il jouait le rôle principal de "Saint-Georges", le précédent film de Marco Martins qui présente "Un automne à Great Yarmouth" comme le second volet d’un diptyque. Il y interprétait un boxeur en fin de droits réduit à s’employer comme homme de main dans une société de recouvrement.
Le portrait de femme est poignant, la plongée dans les arrière-cours du capitalisme asphyxiera jusqu’aux libéraux les plus endurcis. Pour autant, "Un automne à Great Yarmouth" peine à se distinguer du tout-venant cinématographique. Tania est trop froide, trop dure pour susciter l’empathie. Le montage, pas toujours lisible, rend parfois confus le propos qui a la fâcheuse tendance à se complaire dans le misérabilisme. Et les tics de la caméra, qui se colle à ses acteurs, deviennent vite pénibles.
Le réalisateur portugais M.Martins, après le succès critique obtenu avec " Saint Georges" (2016), situe son troisième long métrage à Great Yarmouth ( grande ville côtière anglaise, taraudée par la pauvreté, elle vota à 72% pour la sortie de l'UE et située à un peu plus d'une centaine de kms au nord-est de Londres).
La période à laquelle se situe le film ( fin 2019, juste avant la mise en application du Brexit, voté en 2016) est l'arrière fond social et politique de cette histoire ( basée sur des témoignages recueillis par le cinéaste) de filière de main d'oeuvre immigrée originaire du Portugal.
Si dans un premier temps, on a affaire à un film qui trouve des correspondances thématiques avec l'univers des frères Dardenne ( " la promesse" notamment et l' exploitation sans vergogne de la main d'oeuvre immigrée) ou de celui de Kenneth Loach (" it's a free World" auquel " Great Yarmouth" fait vraiment beaucoup penser ) peu à peu, Marco Martins décale son regard.
C'est finalement en direction du personnage principal, une portugaise qui se charge de faire la connexion entre les employeurs anglais d'un abattoir de dindes ( la métaphore est soulignée par la perfection avec laquelle un des personnages imite les animaux) et les travailleurs étrangers, que se tourne presque de façon exclusive le cinéaste.
Il nous montre une situation sociale qui ne génère, malgré ses promesses ( donner ou trouver du travail pour permettre de vivre) que des perdants.
Même le personnage principal qui pense pouvoir sortir de sa condition ( le projet d'ouverture d'un hôtel pour séniors - eux aussi pathétiques) sera tour à tour exploiteur puis victime et seule la solitude et la désespérance seront au bout du chemin.
Si Marco Martins n'est pas techniquement dénué de talent ( cadrage, photo, inventivité des plans), "Great Yarmouth" souffre malheureusement d'un défaut majeur : un savoir-faire imparfait pour nous conter son histoire.
Trop alambiqué sans raison ( ou alors, l'effet de style est raté), la présentation des personnages principaux tarde beaucoup tôt à être clarifiée, surtout pour un film réaliste.
Il faut attendre largement plus d'une heure de scènes redondantes, pour commencer à se repérer et a situer avec précision les personnages.
Si " un automne..." souffre malheureusement de son manque de didactisme, il est heureusement contrebalancé par la prestation vraiment formidable de charisme de son actrice principale Beatriz Batarda ( Elle a un lien de parenté avec l'actrice fétiche de Manoel de Oliveira, Léonor Silveira dont elle partage le charme exceptionnel).
Dommage pour ce travail ambitieux, au final un peu raté ( il n'atteint pas le niveau des films cités plus haut), même s'il est porté par son sujet, un casting adroitement choisi et une interprétation de tout premier ordre.
Décadence et désolation, plus de respect des humains les uns envers les autres, ni envers les animaux, on dirait que la vie n'a plus de prix pour certains comme toujours l'argent....
Un film autour de l’exploitation humaine, qui offre un témoignage sur les conditions de vie de la main d’œuvre portugaise au Royaume-Uni. Œuvre poignante, d’un réalisme impitoyable, le film dépeint avec justesse les effets dévastateurs des politiques néolibérales sur la classe ouvrière. A voir !!
C’est en tant qu’assistant de Wim Wenders, Pedro Costa, Manoel de Oliveira et Bertrand Tavernier que Marco Martins a débuté sa carrière cinématographique. "Alice", son premier long métrage a fait partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2005. C’est à Venise, dans la sélection Orizzonti, qu’a été présenté "Saint-Georges", son troisième long métrage, permettant à Nuno Lopes, l’acteur principal du film, de se voir attribuer le prix du meilleur acteur dans cette sélection. "Un automne à Great Yarmout"h est le quatrième long métrage de Marco Martins et c’est au Festival de San Sebastien de 2022 qu’il a été présenté en avant-première. Quand la langue de votre pays a inventé le mot « saudade », il n’est pas franchement étonnant que les réalisateurs portugais, du moins ceux dont les films arrivent jusque chez nous, soient plus portés vers une certaine noirceur que vers la franche rigolade. En allant tourner un film sur la condition ouvrière sur les terres de Ken Loach, Marco Martins ne déroge pas à la règle : oui, son film est sombre ! Mais il est aussi, malgré quelques « facilités », particulièrement efficace dans sa dénonciation de l’exploitation des immigrés qui, cette fois-ci, sont européens. critique complète sur https://www.critique-film.fr/critique-un-automne-a-great-yarmouth/
Après Saint George, consacré à la crise financière au Portugal, Marco Martins a posé ses caméras dans une ville du Norfolk, là où de nombreux travailleurs portugais ont émigré, pour exercer un travail que la population anglaise refusait de faire. Un automne à Great Yarmouth se déroule en 2019, quelques mois avant le Brexit, et les scènes dans une usine agroalimentaire sont parmi les plus éprouvantes d'un film dont l'atmosphère peut être qualifiée, sans une hésitation, de sordide. Son ambiance est souvent celle d'un film d'horreur, avec aussi un aspect documentaire marqué, fruit des nombreux témoignages que le cinéaste a pu recueillir en ville et en amont du tournage. Ultra stylisé, rude et plutôt opaque dans son approche, le récit a tendance d'emblée à écœurer plus qu'à captiver, aux basques d'une héroïne antipathique au possible, qui touche sa part de l'exploitation éhontée de la main d’œuvre à bon marché formée par ses compatriotes portugais. Sans doute conscient de l'aspect uniformément glauque de ce qu'il raconte, Marco Martins a eu heureusement l'idée spoiler: d'introduire une histoire d'amour dans son récit, bien que celle-ci ne brille pas par son romantisme . Cela a au moins l'effet d'humaniser son personnage principal et le film tout entier, qui en a bien besoin. Pour autant, Un automne à Great Yarmouth n'est pas une partie de plaisir et sa noirceur a hélas bien peu de nuances à offrir.