Je suis allé voir ce film en tant qu'amateur inconditionnel d'opera seria (le genre d'opéra pratiqué par Myslivecek).
Mon jugement est dans l'ensemble positif, mais très contrasté. Ce qui dans le film touche à la musique est excellent. Au fond, l'opera seria italien, à la fois magnifique et monstrueux, est un peu le personnage principal du film, et je pense que c'est à dessein que Petr Vaclav a donné à Myslivecek un caractère plutôt effacé. Les scènes musicales sont splendides, surtout la dernière tirée de L'Olimpiade sur un livret du grand Metastasio. Tout ce qui tourne autour de la Gabrielli est très intéressant (même si la scène de son caprice lors de la première du Bellerofonte, assez réussie par ailleurs, n'est pas tout à fait réaliste : où sont passés les récitatifs ?). La dernière scène du film, où le compositeur explique à la cantatrice que les temps ont changé, est d'autant plus forte que Myslivecek appartient précisément à la dernière génération de musiciens à s'être consacrée exclusivement à l'opéra sérieux. La scène finale correspond également à l'époque où l'originalité commence à devenir une préoccupation pour les compositeurs, qui jusque-là ne s'en étaient guère souciés. C'est pourquoi je ne trouve pas problématique que l'on ne nous explique pas dans le film quelles conceptions de son art avait Myslivecek : celui-ci appartient (encore) à une époque qui ne se posait pas vraiment ce type de questions. Myslivecek est un musicien de l'ère galante, pas un démiurge romantique post-beethovénien ; la pratique musicale de son temps relève largement de la tradition et de l'empirisme.
Je regrette un peu qu'on ne voie pas davantage le musicien à l'œuvre, mais je trouve bienvenue la scène qui nous le montre, accablé par la maladie, recyclant des arias déjà composées, comme on le faisait souvent à l'époque.
Le film a cependant à mon sens plusieurs défauts considérables. Il n'évite pas toujours les clichés. Le début sur la mort misérable du personnage principal suivi d'un retour en arrière relève de la tarte à la crème narrative. Les personnages tiennent parfois eux aussi du cliché. Si le caractère un peu fade de Myslevecek (dont la vie est en fait très mal connue) ne me pose pas de problème excessif au vu du propos du film, la baronne Anna et son mari jaloux et violent sont de creuses caricatures. Ferdinand IV et l'imprésario du San Carlo sont un peu plus réussis.
Les scènes de débauche ostentatoires, beaucoup trop récurrentes (on a compris que le personnage était un débauché, ce n'est pas la peine d'en rajouter) ne sont pas vraiment nécessaires. Est-il vraiment nécessaire de tout montrer ?
Enfin, si le film est indiqué comme "tous publics", il faut mentionner qu'outre les regrettables scènes de débauche, les apparitions du personnage atrocement défiguré par la maladie donneront sans doute des cauchemars aux enfants.
Cela reste un film plutôt correct sur le XVIIIe siècle (ce n'est pas courant), et surtout un très beau film musical : Il Boemo est avant tout pour moi un hommage très émouvant à l'opera seria métastasien, vrai héros du film, qui a sombré dans le même oubli que l'infortuné Myslivecek.
C'est pourquoi je me demande vraiment quelle perception du film peut avoir une personne ne connaissant rien au théâtre musical du milieu du XVIIIe siècle.