Avis sur Bullfighter

Lorsque j’ai vu le casting de ce film je me suis vraiment demandé comment cela se faisait qu’il soit si complètement inconnu, au moins chez nous. Côté acteurs connus, Willem Dafoe, Olivier Martinez (un français en plus), des seconds rôles corrects avec Michael Parks par exemple, et puis surtout des guest de prestige : Robert Rodriguez et Guillermo del Toro en personne !
Mais en fait, je comprends assez la méconnaissance de ce film, et même ses plusieurs années de retard avant sa sortie aux US. Bullfighter c’est en fait un film mystique, sorte de variation moderne sur la naissance de Jésus, mélangé à un road-movie limite « hippie », a un film d’action stylé Desperado, et de pas mal d’autres choses moins perceptibles mais bien présentes. En vérité, ce Bullfighter c’est un projet très ambitieux, mais pas du tout maitrisé. Le réalisateur ne semble pas savoir ce qu’il fait, et l’histoire devient facilement incompréhensible, dotée de dialogues foireux, d’un rythme très inégal. L’idée d’offrir une sorte de modernité au mythe de Jésus, quitte à mélanger les genres pour donner quelque chose de quasi-expérimental et allégorique, pourquoi pas, mais dans ces conditions il faut un réalisateur de génie aux commandes. Peut-être un Richard Stanley aurait pu en tirer quelque chose, mais là, un réalisateur non spécialiste signant son premier film, on ne pouvait guère s’attendre à grand-chose.
Il faut dire que le traitement est lamentable. Hormis quelques rares paysages corrects, ce Bullfighter sent le manque de pognon à des kilomètres à la ronde. Doté d’une photographie crasseuse, de décors vilains à souhait (le film ne respire pas du tout, il se passe dans des intérieurs moches et étouffants la plupart du temps), d’une bande son sans relief et d’une mise en scène affligeante, Bullfighter est plus déprimant qu’autre chose. Le réalisateur est incapable non seulement de soigner ses scènes mystiques, mais en plus ses rares scènes d’action, et il recourt à des idées d’une absurdité rare (les bulles explicatives !). Il faut être franc, si le fond semble aussi lacunaire, c’est aussi en grande partie lié à la faiblesse indigente de la réalisation.
Le casting est aussi sous-exploité. Visiblement Del Toro, Dafoe, Rodriguez, étaient ici pour leur pote. Les deux réalisateurs apparaissent 30 secondes dans des rôles muets (faut bien regarder pour les reconnaitre), tandis que Dafoe joue un prêtre qui tel un chevalier Jedi arrête les balles avec son épée ! Il a l’air de se moquer joyeusement de ce qu’il fait, nous livrant un regard illuminé et quelques gestes à la Obi-Wan Kenobi. Le film repose donc sur trois acteurs surtout : Michelle Forbes, Olivier Martinez et Michael Parks. Le dernier joue le méchant, il sauve son honneur mais n’a pas grand-chose à faire, tandis que Martinez joue le « mystique » qui a des visions divines, et Michelle Forbes, comme son nom l’indique, est la Vierge Marie version moderne ! Ce sont bien les seuls qui semblent croire au film, et leurs prestations sont honorables, sérieuses, appliquées, ils me font dire qu’avec un réalisateur meilleur et une histoire bien mieux maitrisé ça aurait pu être pas mal.
Bullfighter s’est en tout cas fait atomisé par la critique, passant pour beaucoup pour une horreur absolue. Je pense qu’il y a un peu de cabale religieuse là-dedans, mais reste à savoir si les chrétiens trouveront le fond choquant, ou l’absence totale de maitrise dans le traitement du sujet. En toute honnêteté, et parce qu’il y a aussi, dans l’affichage mensonger du casting par exemple, un coup marketing assez pénible, je ne peux pas être bien généreux. Je donne 1 pour le duo d’acteurs et Michael Parks, mais c’est beaucoup trop laid, amateur et incohérent pour séduire. Un film comme cela faut qu’il soit grand, qu’il prenne de la hauteur, qu’il ait la force mystique d’un Dust Devil par exemple, summum du genre. Là on est dans un vulgaire téléfilm dont la mocheté pourrait devenir proverbiale.