Un magnifique film japonais qui n'a certainement pas eu la carrière qu'il méritait, mal sorti sans doute, à un moment où de nombreux films plus "grand public" apparaissaient sur les écrans. Mais quand on est inconditionnel du cinéma japonais, quelle merveille!
C'est un film à entrées multiples. Sur ce rêve que souvent l'on peut faire: et si j'étais quelqu'un d'autre? Et si je pouvais changer ma vie, l'échanger contre une autre? continuer dans la peau d'un autre? Un film sur le phénomène japonais des "jōhatsu", personnes qui s'évaporent sans que personne ne sache ce qu'ils sont devenus. Et un film politique qui nous montre une réalité complètement ignorée en France, la violence du racisme qui s'exerce à l'encontre des immigrés, en l'espèce.... les coréens. On entend au cours d'une manifestation des injures "cloportes, parasites...." et j'en passe, qu'aucun manifestant de la droite la plus extrême n'oserait proférer chez nous. Alors, il y a beaucoup de japonais naturalisés d'origine coréenne qui cachent leurs origines, mais, on les reconnait... C'est le cas d'un des protagonistes du film, Akira.
Mais, enfin, le film se présente comme un thriller, un thriller façon Extrême Orient qui progresse avec une lenteur.... extrême elle aussi et qui comportera en tout et pour tout sept secondes un peu gores....
Rie (Sakura Andô) est une jeune divorcée qui travaille dans la papeterie familiale où elle vit avec sa mère et son fils. Elle a perdu un autre enfant d'une tumeur au cerveau et son couple n'y a pas survécu. Et elle rencontre un dessinateur timide, Daisuke (Masataka Kubota), avec qui, il y a tout de suite, un véritable amour. Mais, après trois années heureuses et la naissance d'une petite fille, Daisuke qui est bucheron meurt d'un accident du travail. Rie connait sa ville d'origine, sait que sa famille, très aisée, tient une auberge thermale (encore une spécificité japonaise qui nous fait rêver...), on retrouve donc le frère, un type très désagréable qui fait bien comprendre que Daisuke était un bon à rien, un marginal. Mais quand il voit la photo posée sur l'autel funéraire, il est formel: celui là n'est pas son frère, celui là n'est pas Daisuke.
Qui a t-elle épousé, alors? Rie demande à son avocat, Akira (Satochi Tsumabuki) d'essayer de le savoir, et c'est en cela que le film a un aspect thriller puisque l'on suit le lent cheminement d'Akira, ses nombreuses tribulations, pour retrouver celui qui se cache sous cette fausse identité, et, accessoirement, ce qu'est devenu le vrai Daisuke dont il a retrouvé la dernière amoureuse. Cela lui vaudra, entre autres, de rencontrer l'inquiétant et pittoresque Norio (Akira Emoto), une brute ricanante incarcérée à vie pour avoir trafiqué des échanges de personnalités, qui l'appellera d'abord "l'avocat joli garçon" avant de passer à "l'avocat abruti" et dont il ne tirera pas grand chose d'ailleurs. Cela lui vaudra aussi de visiter une exposition de dessins de condamnés à mort...(!!! là aussi imaginez l'équivalent en France!!) Akira sortira de cette aventure psychologiquement très marqué (même si vous avez un train à prendre, ne manquez pas la dernière scène)
Il n'y a rien de plus dépaysant que les films japonais. Déjà, voir les gens se saluer respectueusement avec une petite courbette, ça nous fait rêver d'un monde policé.... et je dois dire que voir des dames très élégantes, en robe chic ou en tailleur, se déplacer chez elles les pieds enfouis dans d'immondes chaussons me fera toujours rire... Mais avant tout, il y a une grande noblesse de pensée dans tout ce scénario; on ne se sent pas crasseux en sortant comme après certaines projections, mais au contraire, enrichi. C'est un film passionnant à ne pas rater, pendant qu'il passe encore dans certaines salles!!.