La cinquantaine déjà bien entamée, Vera Gemma est la fille de Giuliano Gemma, acteur iconique de séries B italiennes, de péplums et de westerns spaghettis dans les 60ies et 70ies. Vera a souffert toute sa vie de l’ombre envahissante de ce père adulé. Elle a tenté en vain de marcher sur ses pas, multipliant les ridectomies et les mammoplasties au risque de se défigurer, courant sans succès les castings où son manque de talent et son visage de drag queen l’ont condamnée à d’humiliantes rebuffades. Menant grand train, elle a peu à peu dilapidé l’héritage paternel, ne gardant de son luxe passé qu’un appartement dans le centre de Rome et un vieux chauffeur, Walter, qui lui est indissolublement fidèle. Elle n’a jamais eu de compagnon stable, sinon des gigolos qui tentaient d’abuser de sa richesse, ni d’enfant.
Lorsque son chemin croise Daniel, démonteur automobile dans une casse, et Manuel son fils de huit ans, l’espoir ressurgit de créer un embryon de famille.
Il a fallu un sacré courage à Vera Gemma pour accepter le défi culotté que lui a lancé un couple de documentaristes austro-italiens : tourner un film de fiction la mettant en scène, sous son vrai nom et dans son propre rôle, sans la magnifier, sans la caricaturer non plus, mais sans rien cacher de ses défauts a priori rédhibitoires : une « fille de » remplie de complexes, au visage monstrueux, qui n’aura jamais réussi à s’affranchir de l’ombre envahissante de sa star de père.
"Vera" s’inscrit sur la ligne très floue qui sépare le documentaire de la fiction. Ce n’est pas tout à fait un documentaire qui raconterait, par le commencement, la vie de Vera, en convoquant des images d’archives et en enchaînant les témoignages de ses proches. Mais ce n’est pas un authentique film de fiction tant son héroïne ressemble – ou du moins semble ressembler – à son actrice.
Le scénario, tel que je l’ai pitché, pouvait laisser craindre le pire : la rédemption de Vera, comme mère et comme épouse, avec le jeune Manuel et le ténébreux Daniel. Je risque de trop en révéler en disant du scénario qu’il nous réservera une surprise bienvenue, aussi amère soit-elle.