Un brûlot
C’est le second film du belgo-marocain Jawad Rhalib qui sort sur nos écrans. Comme dans L’insoumise, - en 2016 -, l’héroïne est une femme au caractère bien trempée et à la détermination sans faille. Amal, enseignante dans un lycée à Bruxelles, encourage ses élèves à s’exprimer librement. Avec ses méthodes pédagogiques audacieuses et son enthousiasme, elle va bouleverser leur vie. Jusqu’à en choquer certains. Peu à peu Amal va se sentir harcelée, menacée. Après ces 110 minutes d’un niveau de tension rarement atteint, on s’explique mieux – à défaut de le comprendre – pourquoi ce film est si peu distribué. A ma connaissance, une seule salle en Dordogne a eu le courage, certes pour une séance unique, de projeter ce véritable brûlot, celle du cinéma Lux au Buisson de Cadouin, qu’ils en soient remerciés. Ce film est effectivement indispensable pour mieux comprendre l’entrisme salafiste dans nos écoles et notre société tout entière. Effrayant !
Au centre du film, des valeurs telles que le respect d’autrui, la liberté d’expression et le droit d’être soi. Vaste programme quand on tente s’opposer à la pieuvre islamiste. En 2018, Rhalib avait réalisé un documentaire intitulé Au temps où les Arabes dansaient. Lors de sa sortie, plusieurs projections scolaires gratuites ont été organisées à Bruxelles. Marquées par la misogynie et l’homophobie, les réactions de certains élèves furent alarmantes. Lors des débats, plusieurs jeunes ont déclaré sans aucune gêne que des activités telles que la musique, la lecture ou la danse étaient selon eux illicites, en raison de ce qu’ils avaient appris à la maison ou à la mosquée. La force de ce drame reste que le professeur de religion islamique – matière autorisée dans les établissements scolaires en Belgique – est un homme converti en costume-cravate, loin du cliché habituel de l’imam. - Il est important de savoir que, en Belgique, les professeurs de religion sont nommés par un organe exécutif, et l’enseignement public n’a aucun pouvoir de contrôle sur le contenu des cours dispensés dans ces classes. L’héroïne se retrouve évidemment – si je puis dire -, confronté aux fameux et destructeur « pas de vagues » brandi par l’administration comme ultime rempart aux agissements de plus en plus violents de parents d’élèves, d’institutions religieuses et même de certains élèves. Un thriller qui pose la question de la légitimité des cours de religion en Belgique et des défis auxquels sont confrontés tous les enseignants… belges ou pas. Un brûlot… glaçant.
Lubna Azabal est une immense actrice qui s’investit à 100 pour cent dans ses rôles. Une fois de plus elle est tout simplement formidable. Fabrizio Rongione est époustouflant dans la peau d’un personnage nonchalant, sournois, schizophrène et rusé. A noter également au casting Catherine Salée, Kenza Benbouchta, Johan Heldenberg. Malgré son sujet tabou et susceptible d’être mal interprété, il nous concerne tous, musulmans ou pas. La liberté d’expression est primordiale. Pouvoir développer un esprit critique et débattre sur une large variété de sujets restent essentiels. Sans cela, le vivre ensemble ne peut exister. Il FAUT voir ce film qui fait douloureusement écho aux récents assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard. D’une impérieuse nécessité.