Décidément, les films sur le métier de professeur ont la cote en ce moment. Après un métier sérieux, la salle des profs ou encore pas de vagues, le film du Belge Jawad Rhalib, Amal - Un esprit libre, évoque lui aussi l’exposition des professeurs aux problèmes internes et l’inaction de l’école incarnée par une directrice semblant, comme souvent, privilégier ne pas faire de “vagues” afin de protéger son poste et son école. Cette fois, c’est le thème de l’islamisme radical qui est abordé, et qui est mis en valeur à travers une élève musulmane harcelée par d’autres musulmans de la classe, car elle serait lesbienne. Ainsi, la professeure, également musulmane (cela a son importance), tente de changer la mentalité de certains élèves et cherche à leur apprendre la tolérance, et non pas le rejet de l’autre, dont tout le monde a déjà été victime (scène du vote à main levée pour savoir qui a déjà été victime de racisme). Chose loin d’être aisée.
L’un des gros points forts du film, le jeu d’acteur. Lubna Azabal est juste impressionnante, tant pour jouer la professeure bienveillante se battant pour sa liberté d’enseigner que pour jouer la femme d’un mari qui croit la perdre à cause de son investissement extrême au travail. Ou encore, celle d’une colère noire ou d’une tristesse abyssale, qui se rend compte de sa solitude inexplicable face à des menaces pourtant réelles (
et qui vont se confirmer à la fin du film
). Son jeu est, à chaque seconde du film, naturel, tout comme celui des élèves qui sont irréprochables, dans l’air du temps, sans tomber dans les stéréotypes d’expression orale faussement modernes. Petit point noir concernant le personnage de Nabil joué par Fabrucio Rongione, qui livre une prestation en deçà selon moi. Je n’arrivais pas à y croire tout le temps (et puis la scène dans l’épicerie où il croque la pomme en s’en allant… sérieusement ?).
Cependant, pendant tout le long du film, je n’ai pu retenir un embarras que je regrette énormément. Le film, à charge, à juste titre, contre une idéologie extrémiste et dangereuse, souffre d’un problème dans la représentation de la communauté musulmane : un manque d’équilibre et de nuances. Dans le cas où l’on ignore le caractère minoritaire de ces groupes radicaux, le film nous les présente comme omniprésents et adeptes d’un courant et d’une pratique universelle, basé uniquement sur l’intolérance. Seules de trop rares scènes montrent l’autre face, modérée, de la religion (Le père de Monia, et encore, il reste plutôt silencieux face à l’oppression contre sa fille ; la scène de rébellion de certains élèves à la fin du film). Ainsi, outre ces rares scènes et, bien sûr, le personnage d’Amal, symbole du caractère personnel et intime de la religion, d’autres moments d’unité et de soutien (même peu nombreux, cf. sur les réseaux sociaux) de la communauté envers Monia n'auraient pas fait tache.