Conte d’été cruel et initiatique
J’aime le cinéma de Catherine Corsini. Certes c’est du cinéma de femme pour les femmes… mais j’adore ça car je pense que les hommes ont beaucoup à y apprendre. Aussi, Trois mondes, La belle saison, Un amour impossible et surtout La fracture en 2021, m’avaient passionné. Et ce ne sont pas ces nouvelles 106 minutes qui feront baisser Madame Corsini dans mon estime. Khédidja travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s'occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L'opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu'elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, 400 coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l'occasion pour elles de découvrir une partie cachée de leur histoire. C’est très bien écrit sur un sujet fort et bouleversant et surtout servi par une distribution remarquable.
Ce film, qui a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023, commence et se termine par la même image, celle d’une mère qui étreint ses deux enfants. Entre les deux, 15 ans ont passé. Un lourd secret, un retour aux sources, et beaucoup de sujet – peut-être trop, au risque de la dispersion -, comme le racisme, l’homosexualité, l'émancipation féminine, la quête d’identité, le poids du passé, le deuil… C’est émouvant, généreux, nerveux, sensible mais parfois un peu brouillon, bref de quoi se perdre par instant sans toutes ces intrigues qui s’entremêlent. Mais le regard – par caméra interposée -, de Catherine Corsini lucide, incisif, pour ne pas dire acéré, sauve l’entreprise et parvient à nous passionner à cette incarnation d’une nouvelle trinité.
Aïssatou Diallo Sagna, aide soignante de son état, a fait ses débuts à l’écran dans son propre rôle dans La Fracture. Catherine Corsini a donc de nous veau fait appelle à elle et, le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est une bonne pioche. Quelle actrice ! Ses deux filles à l’écran, Suzy Bemba – pour une 1ère apparition sur grand écran -, et Esther Gohourou, - repérée dans Mignonnes -, sont également parfaites. Tout comme Lomane De Dietrich, encore une quasi débutante, Cédric Appietto, Marie-Ange Géronimi, Virginie Ledoyen et Denis Podalydès. Un film honnête qui mérite de trouver son public au milieu d’un été cinématographique encombré de blockbusters.