Le présent des choses passées (Sain-Augustin)
Alex Lutz et Karin Viard sont partout dans ce film, sur l’écran bien-sûr, mais aussi au scénario et à la production. A se demander s’ils n’ont pas aussi tenu la cantine et assuré le ménage sur le tournage. Bon trêve de billevesées, car ces 90 minutes de drame romantique sont remarquables d’originalité et bourrées de talent à tous les étages. Paris, métro bondé, un soir comme les autres. Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton. La nuit, désormais, leur appartient. Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ? J’avais vraiment découvert le talent original d’Alex Lutz en 2018 avec son formidable Guy. Rebelote ! J’ai adoré.
Questionner le couple le temps d’une nuit, à partir d’une engueulade et d’une étreinte… Voilà le postulat de départ… mince comme un sandwich SNCF, allez vous me dire. Et pourtant ça tien la route… et comment ! Les dialogues sont somptueux, les décors et les situations variés, une poésie de bon aloi teintée d’onirisme plane sur ce long face à face entre deux êtres qui s’attirent et se rejettent tour à tour. Le mystère plane, des invraisemblances – qui ressemblent à s’y méprendre à des erreurs de script – sèment le doute, mais, un twist très surprenant bouleversant qui change la donne et toute notre perception de ce scénario diabolique. Je ne peux en dire plus, mais laissez-vous tenter par cette histoire pas comme les autres, entièrement portée par deux acteurs d’exception. Un film sur l’usure du couple et du temps, de ce qu’on en fait, de ce qu’on loupe, de ce qu’on gagne… bref, la vie, la nôtre en fin de compte. Ce pour quoi, ce drame nous touche personnellement, ce qui crée une sorte d’intimité entre ce couple d’une nuit et le spectateur.
Alex Lutz, à chacune de ses apparitions au cinéma, prouve qu’il est un grand acteur… et un scénariste d’une folle originalité. Quant à Karin Viard, - certes elle est omniprésente, sans doute trop au goût de certains, (rien qu’en 2023, Magnificat, Sage-Homme, Wahou, en attendant Nouveau départ et Madame de Sévigné… c’est dire l’éclectisme de la dame) -, mais je pose une simple question : « peut-on se lasser du talent ? ». Poser la question, c’est y répondre. Les autres comédiens .es ne font que des apparitions et laissent tout le place à ce couple qui déambule dans un Paris 16ème nocturne fort bien photographié. Osez cette longue déambulation comme sur un fil.