Les autres films de Julie Delpy que j'ai eu l'occasion de voir, 2 Days in Paris, Le Skylab et Lolo, étaient touchants, mais brouillons. Disons le d'emblée, avec Les Barbares la réalisatrice se place clairement plusieurs crans au dessus. Mettons à son crédit également le fait de ne pas avoir eu peur de s'emparer d'un sujet sensible, trés contemporain et plutôt casse-gueule, à savoir l'accueil de réfugiés Syriens dans un petit village français (et breton en l’occurrence). Le type de sujet, ou tout le monde, critiques comme spectateurs, l'attend forcément au tournant.
Derrière sa façade de comédie populaire, un peu vaudevillesque et franchouillarde, se cache en réalité un magnifique film subtil et humaniste. Un résultat qui n'est évidemment pas le simple fruit de bons sentiments, mais surtout d'énormément d'intelligence, cinématographique comme humaine.
La première bonne idée qu'à eu la réalisatrice, c'est le ton, finalement assez léger et pondéré, qu'elle réussit à imposer tout au long du film. La tentation était trés forte avec un tel sujet de faire quelque-chose de satirique dans la lignée des vieux (mais toujours trés percutants!) sketchs des Inconnus. Aprés les chasseurs ou les flics, on aurait pu avoir droit à une sorte de portrait au vitriol des français moyens qui accueillent, parfois malgré eux, des réfugiés. Ça aurait pu être drôle et corrosif évidemment, mais ca n'aurait pas eu la même portée.
Mais la réalisatrice ne va jamais non plus à l'opposé, en nous servant un film dramatique rempli de pathos et d'émotion,comme le fait trés bien le spécialiste d'outre manche, Ken Loach.
Elle impose finalement son style et son ton à elle, qui ressemble par moments à celui de Bacri et Jaoui, mais impliquant des sujets autrement plus sensibles et politiques, que ceux traités par les deux compères.
La deuxième bonne idée du film, c'est évidemment celle de faire des Syriens des personnages centraux au même titre que les français. Rapidement, ils ne sont plus les sujets du film en simple toile de fond, mais des acteurs à part entière de l'histoire, avec leur points de vues, mais aussi leurs forces, leurs faiblesses, leurs maladresses, exactement comme leur équivalents français somme. Mais même si, au fil du film, on apprend beaucoup de choses sur leur histoire personnelle et collective, Les Barbares n'est pas non plus une histoire racontée du point de vue des syriens.
Ce qui nous emmène donc à la troisième bonne idée, qui est celle de ne privilégier aucun personnage parmi la grosse dizaine développées dans le film. Procédé que la réalisatrice avait déjà utilisé, d'une façon moins aboutie, dans Le Skylab. Le film passe sans arrêt d'un à l'autre, qu'il soit Syrien ou Français et donne la parole à tout le monde, ne masquant rien de leur grandeur, leur petitesse mais surtout de leur confusion et leurs contradictions. De cette façon, Julie Delpy évite subtilement le manichéisme et nous emmène à voir in fine quelquechose qui ressemble tout simplement à la vie. Et à la fin, c'est véritablement la vie qui surgit, dans tous les sens du terme, comme pour apaiser les dieux, reconciller l'humanité et surtout clore d'une façon magnifique un film qui ne l'est pas moins.