1875 dans une petite ville au début de l'ère industrielle, un capitaine d'industrie règne en maitre et interdit à ses salariés de fréquenter le café-taverne local. Le tenancier, Abel (Benoît Magimel) est au bord de la faillite.
C'est pour cela qu'il épouse, sans la voir auparavant, Rosalie (Nadia Tereszkiewicz), pour une dote, sans savoir que sa femme a la caractéristique d'être barbue et poilue. Rosalie, il se trouve, est fine, joyeuse, imaginative, intelligente...et amoureuse.
Le contexte historique dans ce film est important et a forcément beaucoup de résonances avec notre époque.
Nous sortons d'une guerre, la guerre franco-allemande de 1870 qui fut une sévère défaite pour la France.
Abel est revenu blessé physiquement et se sent trahi et manipulé.
L'arrivée d'un capitalisme outrancier change les campagnes en lieu d'exploitation où toutes les rancœurs resurgissent.
Comment alors trouver sa place avec sa différence, aussi bien dans l'intimité d'un couple que dans une société très corsetée (alors que la modernité et l'argent sont de mise) ?
Stephanie Di Guisto met en scène un très beau portrait de femme forte et transforme en atout la différence visible de son héroïne.
Clémentine Delait, femme à barbe très connue qui a vécu dans les Vosges au XIXème siècle, a inspiré la réalisatrice, mais celle-ci a évité le simple biopic.
C'est d'ailleurs dans les Vosges, au théâtre de Bussang, dit Théâtre du Peuple, qu'on peut voir la scène la plus inspirée du film. Ce théâtre a été construit par un industriel pour "ses" ouvriers. Là, Rosalie exécute une danse très proche de celle que dansait Loïe Fuller (la célèbre danseuse héroïne du précédent film de Stéphanie Di Giusto).
On est très loin de freaks, rôles dévolus aux "femmes à barbe" et "monstres de tout genre".
C'est aussi là que, lors d'un cauchemar, le père de Rosalie la tue.
Ce père qui avait choisi de garder sa fille auprès de lui avant son mariage (pour la protéger ou par peur du regard des autres et souci des convenances ?)
Les poils, les cheveux, sont dans le film, une métaphore des sociétés d'uniformisation.
Quand je vous disais que le contexte historique ne faisait que renforcer l'actualité de ce film...