Seule contre tous
Stéphanie Di Giusto persiste et signe, elle aime les personnages de femmes à la marge. Après son très intéressant portrait de La Danseuse, Loïe Füller, c’était il y a déjà 8 ans, voici 115 minutes de romance dramatique qui constituent, somme toute, un objet assez singulier pour intriguer un large public. Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais ce n’est pas une jeune femme comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse pour sa dot sans savoir son secret. Mais Rosalie veut être regardée comme une femme, malgré sa différence qu’elle ne veut plus cacher. En laissant pousser sa barbe, elle va enfin se libérer. Elle veut qu’Abel l’aime comme elle est, alors que les autres vont vouloir la réduire à un monstre. Abel sera-t-il capable de l’aimer ? Survivra-t-elle à la cruauté des autres ? Le sujet est original, l’histoire est belle, la mise en scène très léchée, l’interprétation à la hauteur des ambitions de la cinéaste. Un beau portrait de femme, pudique et bouleversant.
Bien que le film s’intéresse sur Clémentine Delait, une femme à barbe qui connut la célébrité au début du XXème siècle, il ne s’agit en aucun cas d’un biopic, mais bien d’une fiction. D’ailleurs, plus que le parcours de la vraie femme à barbe qui a inspiré Rosalie, la réalisatrice voulait explorer les sentiments, le désir et un amour inconditionnel. Pudeur et violence ce mêlent dans ce récit, mais quand on est un être « à part » comme elle, l’amour devient beaucoup plus que l’amour. Alors que la plupart des femmes atteintes d'hirsutisme étaient réduites au statut de monstres de foire, Stéphanie Di Giusto a choisi de ne pas la représenter dans une foire, un cirque ou un bordel… certainement une des forces de ce drame. Une belle réflexion sur le regard des autres à la gloire de l’amour et de la tolérance. Intemporel et universel.
Il semble qu’avec Nadia Tereszkiewicz, la cinéaste ait trouvé l’interprète parfaite et quand elle parle d’évidence charnelle, on le ressent durant tout le film. A ses côtés, Benoit Magimel est parfait et bouleversant, pétri de ses blessures intériorisées. Benjamin Biolay, Gustave Kervern, Guillaume Gouix, Juliette Armanet, - pour son 1er rôle au cinéma -, complètent une distribution brillante. La finesse qui baigne ce film sait nous éviter les écueils du mélo ou le sensationnalisme. Une belle réussite.