"Reste un peu." C'est en sortant de la salle que le sens de ce titre nous apparaît clairement. A l'affiche entre "Mascarade" et "Les miens", le film surprise de Gad Elmaleh n'a d'original que la promesse de sa bande annonce, alors que le film lui-même révèle clairement son cousinage avec les autres propositions visuelles de son temps, peut-être pas sur la forme mais surtout le fond.
Le début du film est pourtant fort sympathique et charmant. L'intrigue s'installe et le spectateur a la sensation d'être exposé à un schéma narratif classique. L'humour est présent et bien dosé. La comédie s'annonce agréable et divertissante tandis que le héros tente tant bien que mal de se frayer un chemin dans l'incompréhension de ses proches. Le spectateur, croyant ou non, entre naturellement en empathie avec le personnage et l'aspect intime de l'oeuvre appelle une sympathie immédiate. La première moitié de l'histoire est ainsi très satisfaisante. Puis, l'intrigue et les difficultés continuent d'occuper tout l'espace, ne laissant pas la place à une réflexion profonde sur le sens de l'engagement religieux, pourtant prépondérant chez les catholiques. L'hésitation persiste, encore et encore. La question religieuse n'est jamais abordée que sous l'angle communautaire. Certaines images sacrées de la foi catholique y sont traitées en dérision par les personnages secondaires, telle la sœur de l'humoriste, qui lui répond qu'elle n'oserait sans doute pas se moquer ainsi de passages de la Torah. C'est tellement vrai que le film se gardera bien de le faire, dans la continuité logique de l'infinie timidité politique à laquelle l'artiste nous a habitué dans toute sa carrière. Mais on suppose - erreur extrême - que la témérité du film en lui-même répare ces quelques camouflets à sens unique, jusqu'à ce que le scénario nous révèle l'impasse dans laquelle il nous abandonne sans remord. En effet, alors que Gad Elmaleh se met lui-même en scène pour rire du fait que les catholiques n'assument pas leur foi lorsqu'ils sont interrogés, et alors que l'humoriste appuie, dans ce film qu'il a lui-même signé, sur le manque de conviction de cette communauté, il renonce finalement au baptême, et donc de fait, à la conversion, réduisant son renouvellement spirituel à une simple visite touristique. Non content de laisser pour morte l'attente légitime de résolution du spectateur trahi et désappointé (qu'il soit croyant ou non), l'oeuvre ose comme ultime morale que l'on peut être ce que l'on veut, pourvu qu'on demeure juif de cœur. Merci infiniment, votre bonté vous perdra !
Il y a des films qui nous transportent. Celui-ci nous débarque au beau milieu des terres désertiques de l'indifférenciation. Cependant, l'oeuvre est assez bien accueillie (ce point aurait pourtant du m'alerter), par la presse d'abord (qui entretient la promesse trompeuse d'une conversion de l'acteur) mais aussi par la communauté catholique, béate et tellement rompue aux crachats à la figure que l'exposition d'un doute d'une heure trente lui semble être un souffle d'air pur. Du côté de la jeunesse, satisfaite et conditionnée à l'humiliation, l'arnaque scénaristique passe là aussi totalement inaperçue. L'oeuvre spirituellement creuse peut néanmoins susciter des convictions. En effet, même le plus convaincu des athées pourrait être tenté, pour en quelque sorte réparer la couardise de l'oeuvre, d'accourir à la messe ! Et en latin, s'il vous plait.