Sous tension
Un 1er film pour Tina Satter à qui l'on doit déjà plusieurs pièces de théâtre. Inspiré de l’histoire vraie vécue par une lançeuse d’alerte, ce thriller minimaliste est un modèle du genre, soumettant durant 82 minutes, le spectateur a rude épreuve. Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ? Une pièce vide, sans meuble, 3 personnages, pour un moment étonnant de cinéma. Vaut le détour.
Ce thriller, inspiré par l’histoire vraie d’une ex-salariée d’un sous-traitant de la NSA, Reality Winner, est aussi l'adaptation d'une pièce que la cinéaste avait mise en scène à Broadway, Is This A Room, en 2021. On y retrouve d’ailleurs les mêmes bégaiements, quintes de toux, malaises dans les échanges et moments censurés que dans le procès-verbal découvert par Tina Satter en 2017. Car, c’est en partant de ce document administratif du FBI, qui pourtant dégage une force dramatique inouïe, que tout le scénario a été construit. La situation est avérée, les dialogues réels, ce qui rend ce film encore plus fascinant. Sachez que Reality Winner sera la première personne condamnée en application de l'Espionage Act sous la présidence de Donald Trump. On pénètre dans une pièce d’une maison, un samedi après-midi, dans l’Amérique de 2017, et on ressort 1 heure vingt plus tard, bouleversé, choqué, broyé comme si on avait subi nous même cet interrogatoire. Un huis clos policier très éloigné des clichés habituels pour une plongée dans l’horreur d’un pouvoir aussi implacable que paranoïaque. Quand on constate l’invraisemblable paralysie de la justice américaine face à un ex-président clairement délinquant et qu’on voit quel sort elle peut réserver à un minuscule maillon, certes défaillant, de son administration, on ne peut sortir de là que la révolte au cœur.
Sydney Sweeney, qui jusque là n’avait tourné que dans des séries TV, est totalement investie dans son personnage complexe, ambiguë, contradictoire. C’est une vraie découverte d’une comédienne qu’on a hâte de revoir dans d’autres rôles. Face à elle, Josh Hamilton et Marchant Davis, sont tout simplement formidables. Les autres ne sont que des silhouettes. Grâce à eux, on plonge dans les recoins secrets de l’interrogatoire en montrant des éléments qui ne figurent pas sur le document du FBI. Tout est vrai et c’est ça qui est stupéfiant. Jamais un scénariste n’aurait osé inventer un moment d’une telle force qui prouve que rien ne sert de trahir la vérité pour la rendre tout simplement angoissante. Un immense petit film.