Aujourd’hui les films de Ken Loach me font fuir, tant il y a peu d’espoir dans ses toiles. Le dernier rempart à la misère sociale à savoir la famille a cédé après la solidarité et l’amitié. Chez le cinéaste outre-manche, seule la mort est devenue une consolation. Quant à notre représentant national pour nous parler des petites gens, Robert Guédiguian, j’ai abandonné encore bien avant. En passe de faire la même chose avec le réalisateur finlandais, dont la poésie mélancolique, les visages inexpressifs et le rythme atone commençaient à avoir raison de mon envie de cinéma, cela eut été une erreur. Il y a de l’espoir derrière l’humour finlandais c'est écrit sur l'affiche, et un bel hommage personnel de cinéma.
« Les feuilles mortes » n’échappent pas à l’univers désespéré de Kaurismaki. Les couleurs vives sont éteintes dans les univers intimes. L’absence de sourire doit être une injonction faite aux acteurs pour créer leurs personnages, ils semblent tous faire la gueule, à vous faire passer l’envie d’aller voyager au pays des ours et du père Noël. Il y a comme un petit théâtre dans ce cinéma si singulier dans lequel les codes, véritables marques de fabrique du cinéaste sont incontournables.
Et pourtant dans ces vies sombres, la lumière se faufilent entre les personnages à peine humain et si plein d’humanité. S’ils sont tout en bas de l’échelle, de ceux dont ont dit dans la misère sociale, elle n’est pas intellectuelle ni culturelle. L’instruction fuse au hasard d’un karaoké, d’un rendez-vous au cinéma de quartier, devant un film d’auteur. Jim Jarmusch est présent à l’écran avec son dernier long « The dead don’t die », au titre ironique dans un genre horrifique. Il y a peu il était aussi convoqué dans un film japonais, « Rendez-vous à Tokyo ». Jarmusch cinéma d’auteur américain, s’invite au cœur des films du cinéma d’auteur des autres pays du monde. Dans le hall, sont accrochées au mur des affiches de cinéma, « Pierrot le fou », « Rocco et ses frères », les belles gueules du cinéma français de la nouvelle vague. Kaurismaki avait tourné « Le Havre » chez nous avec un Little Bob de retour, il nous fait des clins d’œil, tout comme l’héroïne des feuilles mortes, dans l’esquisse d’un sourire. Elle laissera même échapper un rire en jouant avec son chien. L’animal à 4 pattes si bien nommé, nous transporte dans le souvenir du mime au cinéma. Le visage si beau d’Alma Pöysti s’il n’était si vide d’expression chez Kaurismaki, me rappelle au souvenir de Bibi Andersson, autre beauté nordique si chère à Ingmar Bergman.
Dans cette ambiance délicieusement surannée, le poste radio vintage laisse échapper des nouvelles de la guerre en Ukraine, qui doit être bien anxiogène pour nos amis finlandais. Ils partagent sur plus de 1300 kilomètres leur plus longue frontière avec la Russie.
Mais il ne sert à rien de parler d’un film de Kaurismaki par son synopsis, tant l’ambiance, l’humour et la poésie ne se racontent pas, il faut le voir tout simplement. Et celui-ci est une vraie petite merveille de cinéma.