Automne en emporte le vent... Comme une feuille orangée qui refuse de se poser sur le sol froid et mouillé, on suit avec un regard nostalgique et poétique la course de ce couple qui se tourne autour, manque de s'aimer, s'éloigne peut-être pour toujours dans leur morne quotidien... Kaurismaki, à l'entendre, ne trouve pas qu'il s'agit d'un très bon film dans sa filmographie, et on est très heureux de découvrir qu'on n'est pas d'accord. Avec des personnages qui sont malheureux dans un monde qui ne leur correspond pas et sublimés par une photographie qui tape dans l'oeil à chaque plan (peu de profondeur de champ, un jeu de couleurs sur les verts, les ocres, les marrons... c'est l'automne !), Les Feuilles Mortes semble parfois un lointain neveu dépressif (mais qui veut absolument s'en sortir, là est tout l'intérêt) d'un excellent Jacques Tati. On attend avec douceur que ces deux personnes finissent ensemble, on lâche un "oh non !"
quand le papier avec les coordonnées de la Dame tombe de la poche du Mister, on arrête carrément de respirer quand, en une fraction de seconde dans ce qui semblait être une happy-end niaise, l'homme se fait renverser violemment...
On a cru regonfler un bateau pneumatique entier lorsqu'on a enfin repris notre souffle en voyant qu'il allait bien. On était dedans, pour de bon, et si d'aventure une scène dure un peu trop longtemps, vous avez cette BO incroyable à écouter (on essaie de "shazamer" sous notre veste), vous avez ces constructions de plans ultra intelligentes (vous ne savez pas qui des deux est prêt à s'engager : regardez sur le canapé, qui est du côté de la lampe allumée, et qui est nerveux à côté de celle qui reste éteinte...). Le binôme d'acteurs a de bonnes têtes de "Tout-le-Monde", ce qui accentue fortement notre identification à ces personnages jamais complètement niais, mais qui font preuve d'une tendresse contagieuse. Allez, on vous achève en vous disant que, parmi tous les blockbusters de plus de 2h, celui-ci ne fait que 1h20 tout mouillé. Comme un petit bonbon acidulé qui pique au début (avec sa mise en scène très étonnante, ses personnages tristes, son humour pince-sans-rire qu'on croise peu souvent...), Les Feuilles Mortes révèle très vite un coeur tendre qui fait vraiment du bien. Est-ce qu'au fond, les feuilles ne meurent pas juste pour faire vivre la mélancolie poétique de quelques poètes transis... En tout cas, elles ont inspiré à Kaurismaki un petit bijou, à ne pas rater.