Traumatisée par la mort de son mari, Becky n’arrive pas à remonter la pente. Elle sombre petit à petit dans un gouffre abyssal. Cependant, la meilleure chose lorsqu’on a atteint le fond, c’est de remonter. Et la montée va être des plus brutales, ou plutôt la redescente (vous comprendrez une fois le visionnage).
A la rescousse, Hunter, sa meilleure amie d’autrefois l’invite à escalader avec elle l’une des plus grandes tours d’Amérique.
Outre son aspect divertissant, Fall est une métaphore dans la mesure où le film se lit en deux sens : littéralement ; Becky effectue l’ascension d’une tour et affronte courageusement tous les dangers ; symboliquement, Becky est en train d’affronter ses peurs à travers une ascension spectaculaire. De ce fait, le spectateur actif pourra apprécier le divertissement plus ou moins spectaculaire, mais aussi appréciera forcément le message caché derrière.
De plus, le film s’appuie particulièrement sur sa forme, du moins d’un point de vue littéral. Même si la réalisation n’est pas transcendante, celle-ci est très efficace ; bien sûr, on regrettera le manque de changement de cadre ; Scott Mann aurait pu opter pour un plan à l’envers, ainsi que filmer un objet durant sa chute ou encore un plan en 360°. Par ailleurs, le titre québécois serait plus approprié : cette œuvre donne tout simplement le vertige, impression conférée par une réalisation efficace, mais surtout permis par son concept. En effet, Scott Mann fait invoquer, en l’occurrence, une pulsion primitive et universelle à l’homme : la peur, la peur de tomber. Ne pas penser, c’est ce que Hunter dit à Becky lorsqu’elle est en pleine ascension de la tour, ne pas regarder en bas. Il se joue ici subtilement une double adresse : Hunter exhorte Becky de ne pas regarder en bas sous peine de prendre peur et par vertige suggéré par ’imagination de se voir chuter comme dirait notre cher Pascal, cependant, sa parole transcende la diégèse pour toucher le spectateur ; comme Becky, celui-ci ne doit pas se retourner et toujours aller de l’avant, toujours affronter ses peurs sans reculer, toujours embrasser son présent, aller de l’avenir et ne jamais se retourner vers le passé sous peine de se faire dévorer par lui. Par conséquent, le scénario est plus profond qu’il n’y parait pour celui qui voit à travers les apparences et déchiffre ce qu’il y a à déchiffrer. Ce film n’est pas un deuxième Seven ou un film symboliste, mais ce dernier n’est pas qu’un stupide long-métrage, se bornant à divertir la populace, tout en prenant le public pour un débile. De même, le personnage de Hunter est plus important qu’il n’y parait, importance amenée par son traitement très intelligent ; incarnée par la pimpante et casse-cou Virginia Gardner, Hunter apporte un soupçon de profondeur et une touche peu ou prou spirituelle. Peut-être que d’aucuns trouveront cette pseudo profondeur et ce spiritualisme basique à l’exploration du background banale, et ils concluront que ma critique du spiritualisme était vraiment exagérée, mas le fait est que le spiritualisme va de pair avec l’exploration des peurs de Becky. Toujours combattre ses peurs et ne jamais les laisser nous paralyser. Vivre notre vie intensément, voilà ce que notre Horace nous dit. Hunter incarne la fameuse formule Carpe Diem. En un mot, Hunter, jouant le rôle de professeur représente la chasseuse des peurs, et elle doit apprendre à Becky à chasser ses peurs, ce qu’elle essayera de faire durant cette aventure. Quant à Grace Fulton, celle-ci incarne merveilleusement bien ’élève perdu dans l’alcoolisme et dans son passé, qui va, au fil de son ascension, retrouver son courage d’antan.
Toutefois, malgré mes critiques élogieuses, Fall manque parfois de piquant et de prises de risques, où certains aspects du film auraient pu aller plus loin.
En définitive, l’œuvre de Scott Mann jouit d’un rythme effréné, d’une réalisation efficace, avec des décors effrayants et qui pourraient générer chez certains une acrophobie. A l’image de la réalisation, la bande sonore est efficace et la tension est palpable : à chaque instant, on craint pour nos deux héroïnes, qui se balancent au vide telles deux acrobates ou deux funambules. Enfin, le montage permet d’apprécier pleinement le métrage, en gérant à certains moments les scènes de tensions. Enfin, le concept de Fall ne permet pas à ce dernier de se hisser au rang de chef-d’œuvre, mais grâce à une mise en scène efficace, on peut dire que Fall n’est pas qu’un stupide divertissement bête et méchant ; Fall est un petit bijou en son genre où la formule du classicisme (placere et docere) est parfaitement de vigueur. A voir, surtout pour les amateurs de films de sports extrêmes.