Portrait d’une femme seule élevant ses cinq enfants, tous des ados à des degrés divers.
Ou le portrait d’une famille au milieu de laquelle une mère tente de faire au mieux.
Ça s’agite, ça crie, ça revendique, ça chante, ça rit, ça boude, ça pleure ; entre ingratitude parfois des enfants et dévotion d’une mère parfois légitimement débordée.
Il m’apparaît que le jeune metteur en scène Nathan Ambrosioni vise à peu près juste.
Juste dans les dialogues, dans les situations.
Il y en aura toujours pour souligner les clichés mais la vie elle-même est cliché.
C’est cliché quand on aborde les banlieues et autres habitants des cités, avec leur accent, leurs expressions, leurs gestuelles, leurs tenues vestimentaires réduites à un survêtement ; c’est cliché quand on évoque le monde paysan, le monde ouvrier.
Bref, à partir du moment où on s’attaque à la réalité, tout paraît cliché.
Les réalisateurs (trices) qui tombent dans le fameux piège du cliché ce sont ceux (celles) qui veulent mettre du réalisme là où on peut s’en passer. Et aussi par manque d’imagination.
Justement, en parlant de cliché, Nathan Ambrosioni ne tombe pas dans le piège du père absent.
Par deux fois seulement et par la voix de Timothée on parle de voir « papa ».
Le cliché aurait été que Toni évoque à plus d’une reprise le mari absent pour justifier sa galère.
Elle ne l’évoque jamais.
Ni ne le pleure, ni ne s’apitoie, ni ne le maudit.
Le fameux cliché aurait été de traduire par flash-back son absence.
Le fameux cliché aurait d’entendre ou voir à un moment donné un des cinq enfants ou les cinq ensemble se rappeler de leur père.
Toutes ces scènes sont balayées car trop clichés.
C’est seulement à la deuxième requête de Timothée que l’on justifie l’absence du père.
On n’y reviendra plus.
Si reproche il peut y avoir, c’est ce besoin de placer l’homosexualité dans toute situation pour que la diversité se reconnaisse.
Je l’admets comme on peut admettre que des familles s’ouvrent à cette éventualité, même si le sujet demeure encore sensible.
Nathan Ambrosioni veut-il brasser (surtout avec cinq enfants) le plus de portraits possibles ?
Evoque-t-il une situation qu’il a connue ?
« Toni en famille », c’est aussi le combat d’une femme qui ne se satisfait pas de son passé - chanteuse éphémère à succès - qui refuse d’être réduite au seul statut de femme au foyer. C’est extraire la mère pour se réaliser en tant que femme. Refuser un certain fatalisme, combattre cette idée selon laquelle elle est là par la force des choses. Comme beaucoup d’entre nous.
C’est croire en un projet ; c’est le courage de se remettre en question pour le concrétiser ; avoir le courage de se confronter à une jeunesse au milieu de laquelle elle va devoir composer avec sa quarantaine entamée en fréquentant une université, passage apparemment obligé pour décrocher son graal :
enseignante
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Ce n’est pas un grand film, mais j’ai préféré ce portrait de femme moderne à celui brossé par Emmanuel Poulain-Arnaud pour son film « Le test » avec Alexandra Lamy.