Le réalisateur Nathan Ambrosioni propose, avec « Toni en famille », un petit film charmant et sans prétention sur la famille et sur l’accomplissement de soi. Son film est plutôt bien réalisé, filmé sous le soleil écrasant de la Méditerranée. Un faux tube des années 90 a même été composé et enregistré pour illustrer le single de Toni, qui a l’époque a cartonné et qui semble lui rapporter encore un peu d’argent. On est dans un style musical très « Star Ac », sans prétention et efficace. A part ce morceau, que l’on entend plusieurs fois, il y a peu de musique dans « Toni en Famille ». Le film n’est jamais pathos même quand on frôle le drame, il comporte quelques moments de comédie mais là encore, c’est très léger. En fait, « Toni en famille » semble surfer en permanence sur la ligne de crête entre drame et comédie, toujours en équilibre. Le film doit énormément à Camille Cottin en mère bienveillante et courageuse de 5 gamins pas faciles. Elle pique bien quelques colères (et on la comprend) mais elle ne sombre jamais dans le travers de la mère « copine » ni dans celui de la mère autoritaire. Si elle donne l’impression de parfois se laisser dépasser, c’est une fausse impression : elle mène sa barque avec intelligence et juste ce qu’il faut de fermeté. Mais elle n’est pas parfaite, elle se plante, ne voit pas quelques évidences, parfois elle lâche l’affaire
et (fait semblant) de démissionner
. Mais objectivement, elle est quand même assez épatante ! Et puis elle veut repenser un peu à elle, à son avenir, à son accomplissement et même si sa détermination est forte, elle sent bien que cela sera difficile. Il faut dire qu’elle se fixe un objectif ambitieux :
devenir enseignante. Quand on connait la difficulté du parcours pour devenir professeur, cela parait presque irréalisable. Faire un tel cursus tout en continuant d’élever 5 enfants (et subvenir financièrement à leur besoin), ça laisse un peu dubitatif.
Autour d’elle 5 jeunes comédiens : Thomas Gioria, Louise Labèque, Léa Lopez, Oscar Pauleau et Juliane Lepoureau. Evidemment, 5 ados au même endroit, c’est bruyant, c’est épuisant… Ils sont des ados tout ce qu’il y a de plus normaux : têtes à claque, égocentrés, immatures, parfois en souffrance (Timothée). Ils peuvent être étonnants de maturité un jour et totalement égoïstes le lendemain. En ce sens, les 5 comédiens campent des adolescents très réalistes. Du père, il n’en en quasiment pas question, on en saura rien de qui il était,
de quand et comment il est mort. Cela me fait dire qu’il doit être absent depuis longtemps, car à part Timothée, les autres ne l’évoquent jamais.
L’amour fou entre ces 6 personnes, qui se chamaillent autant qu’ils s’aiment, est le ciment du film. Le scénario, même s’il essaie en permanence de rester bien dans les clous de la crédibilité, s’il n’élude pas le parcours du combattant (administratif) de celui qui voudrait reprendre ses études à 40 ans, s’il essaie de ne pas sombrer totalement dans l’angélisme (rien ne dit qu’elle parviendra à aller au bout de son projet), il lui manque quand même deux ou trois petites choses. Toni élève seule 5 enfants, elle ne travaille qu’occasionnellement en faisant la serveuse et en chantant dans les bars : comment fait-elle pour joindre les deux bouts ? L’argent du single a dû fondre depuis longtemps, ses enfants lui coûtent cher (le dentiste, les courses, les fringues, le psychologue), son cadet envisage d’aller faire ses études à Lyon (il il faudra le loger !) et pourtant, le sujet n’est jamais évoqué frontalement. Il y a bien quelques scènes, quelques répliques sur le sujet mais rien de frontal. On a même l’impression qu’à chaque fois que le sujet de l’argent survient dans le film, il est délicatement remis sous le tapis. Pareil pour les grands parents : elle a des relations complexes avec sa mère à elle et les autres grands-parents sont totalement absents, comme s’il fallait absolument que le clan fonctionne en vase clos pour que le scénario fasse mouche. On ne sait rien non plus de sa vie de femme, comme si elle n’en avait plus depuis longtemps. A vouloir filmer une mère courage exemplaire, le film enferme le personnage de Toni dans une bulle étanche peu crédible. Alors forcément, quand elle veut en sortir, c’est compliqué, ça embête ses enfants qui s’étaient habitués à être le centre du monde. Mais si on se montre un peu indulgent avec « Toni en famille », si on met à notre tour sous le tapis ces quelques petits défauts de crédibilité, alors on passe un bon moment de cinéma, tout en humanité et en optimisme. Car « Toni en famille », malgré tout, c’est un film positif, un film plein d’espoir et cela, c’est vraiment à mettre à son crédit.