Après un silence cinématographique de quelques années, le réalisateur Remi Bezancon revient avec une comédie qui est, apparemment, le remake d’un film argentin. « Un Coup de Maître » est un film un peu bancal dans sa construction qui semble mettre un temps infini à démarrer. Le point central du film
(l’escroquerie à la fausse mort)
n’arrive pas avant la moitié du film. Du coup, on a l’impression qu’il plante le décor et pose ses personnages pendant un très long moment. Cette interminable introduction n’est pas désagréable à regarder, elle est même parfois drôle. L’escroquerie arrive tard et se termine (très) vite. Le temps ne parait pas long au spectateur pour autant, et l’on rit franchement aussi bien devant la qualité des dialogues (très et plutôt bien écrits) que devant l’abattage des deux acteurs, mais on a l’impression d’un film qui nous a un peu pris en traitre. Il nous a fait croire qu’il allait nous emmener vers une comédie de comique de situation alors qu’en fait, on est surtout devant une critique du marché de l’Art et de ses dérives. Remi Besanzon propose un film assez court (1h30), réalisé de façon assez classique mais qui s’autorise quelques jolis plan (notamment la redondance entre le plan de début et le plan de fin, pas super originale mais pas mal réussie), sans trop de musique, sans temps morts. Malheureusement, on a l’impression qu’il rate un peu son effet
avec la scène des fausses funérailles. Quand le sujet central de votre film est connu (l’escroquerie) d’emblée par le spectateur (car résumé partout et évoqué dans la bande annonce), il est parfaitement inutile de créer un faux coup de théâtre en essayant de faire croire à de vraies funérailles et à un vrai deuil pendant 10 minutes !
J’ai cru un moment que le film allait se laisser tenter par le très mauvais esprit (le coup du café) et la vraie amoralité, ce qui n’est pas si fréquent au cinéma aujourd’hui. Ca, pour le coup, ça aurait été surement de mauvais gout mais ça aurait été un vrai coup de théâtre réussi ! Mais non, on est devant un film tout public financé par Canal + (bien visible) alors l’amoralité, pas trop quand même… Le sujet central du film, ce n’est donc pas tellement le coup de l’escroquerie mais surtout une critique qui se veut acerbe du marché de l’Art Contemporain. Renzo Nervi fait du figuratif, et il n’intéresse plus personne car le temps est aux NFT et aux œuvres conceptuelles. La critique de l’Art Contemporain est assez convenue et donc un peu facile. La critique du marché de l’Art et de ses aberrations est peut-être un peu plus pertinente. Mais on ne peut pas dire qu’elle soit franchement subtile, « L’Art se meurt, le Capitalisme fou et inhumain est en train de le tuer », asséné dans un film financé par le groupe Canal +, c’est quand même à la limite du mauvais gout. On passera pudiquement sur la crédibilité incertaine de certaines scènes :
par exemple faire croire à une fausse mort c’est horriblement compliqué, il faut un cadavre, des complices, de l’ingéniosité pas à la portée du premier venu : mais de ça on ne saura rien car Arthur Forestier fait ça en un claquement de doigt
! En fait, le gros point positif du film, ce qui fait que malgré tout on ne regrette ni son temps ni son argent, c’est le duo de comédien Vincent Macaigne/Bouli Lanners. Comme ils ont la chance d’avoir des dialogues bien écrits, alors ils peuvent donner libre court à leur talent et ces deux là n’en manquent pas. Vincent Macaigne en fait des tonnes (il flirte même avec le cabotinage par moment) et Bouli Lanners est comme toujours : parfait. Les seconds rôles sont peu développés, que ce soit celui de l’apprenti tenu par Bastien Ughetto (un passionné qui se passionne vite pour autre chose, une critique de la nouvelle génération, sans doute) ou Aure Atika en galeristes adepte des NFT et des performances mais qui, un peu étrangement, accorde systématique la couleur de sa cigarette électronique à se tenue, comme si c’était une marque de modernité ou de bon gout. Son rôle n’est pas plus subtil que celui du pauvre apprenti. J’aurais eu la dent beaucoup plus dure si le film ne mettait pas en scène deux comédiens du calibre de Vincent Macaigne et Bouli Lanners. Leur présence sauve le film du ratage, tout simplement.