Rémi Bezançon brosse une critique au vitriol du marché de l’art mais le film aborde aussi bien d’autres sujets, en particulier celui de l’amitié, de la liberté de l’artiste, de la nécessité ou pas de créer, de l’honnêteté, de la trahison, avec quelques coups de griffes salutaires, notamment contre les critiques qui peuvent démolir sans état d’âme les artistes, ou les industriels agro-alimentaires, tortionnaires pour le profit. Le peintre déprimé, Renzo Nervi (Bouli Lanners), est insupportable, asocial, hystérique mais il a la force et la grandeur de refuser toutes les compromissions. Son ami, le galeriste Arthur Forestier (Vincent Macaigne) est à son égard d’une angélique patience malgré quelques moments de fureur. Cette amitié sans faille paraît surprenante mais on comprendra qu’elle n’est pas à sens unique et que Renzo a su, lui aussi, se montrer fidèle et généreux. D’un anticonformisme réjouissant, le film ne cesse de nous surprendre, d’évoluer vers l’imprévisible. Ce peintre suicidaire se révèle en réalité un grand amoureux de la vie, même si elle lui est moins joyeuse depuis la mort de celle qu’il aimait. Les deux acteurs sont éblouissants dans leurs rôles : Vincent Macaigne incarne un Arthur Forestier tentant vainement de se comporter en galeriste sérieux et soucieux de ses intérêts mais constamment dominé par ses émotions, ses amours et ses colères : la scène où il tente de calmer Renzo venu régler ses comptes avec un critique malveillant et où soudain, allant plus loin que le peintre, il invective le nuisible avec une grande violence verbale, est jubilatoire, comme beaucoup d’autres scènes. Bouli Lanners est un Renzo à la fois fort et fragile, insupportable et attachant, sorte de Beethoven de la peinture. Et en prime, longue citation d’un des plus beaux poèmes de Victor Hugo : «À Théophile Gautier ». On sort de la salle de cinéma ragaillardi.