Si Conclave se déroule dans les hautes sphères de l’Église catholique et évoque le thème de la foi, il s'agit avant tout d'un thriller politique, comme le souligne son réalisateur : "Je crois qu’il s’agit d’un film très ramassé qui vous précipite dans un univers inconnu et vous entraîne dans un périple cinématographique aussi captivant qu’original. Et si le film fait un peu réfléchir le spectateur en quittant la projection, j’en serai très heureux".
Conclave est l’adaptation du thriller éponyme de Robert Harris, paru en 2016. Ce n'est pas la première fois qu'une œuvre de ce dernier est portée à l'écran : Enigma, The Ghost Writer, J'accuse et L'Étau de Munich sont aussi des adaptations de ses romans.
C’est en regardant un reportage à la télévision sur l’élection du pape François, lors du conclave de 2013, que l’idée du roman est née. En apercevant les visages des cardinaux, il a eu le sentiment qu’ils avaient davantage l’air d’hommes politiques que d’hommes d’église. Il s'est promis de se documenter sur le fonctionnement de l’élection du pape et n'a pas tardé à remarquer le potentiel dramaturgique d'un conclave. Le hasard a voulu que l’éditeur italien de l’écrivain s’apprêtait à publier un ouvrage écrit par le Secrétaire d’État du Vatican. Il a ainsi mis les deux hommes en contact et l'écrivain a pu visiter des lieux comme la résidence Sainte-Marthe et la Chapelle Sixtine.
Les productrices Tessa Ross et Juliette Howell ont reçu les premiers chapitres du livre avant sa parution et ont été immédiatement happées par leur lecture. Ross se souvient : "Grâce au soutien de Danny Cohen, d’Access Entertainment, j’ai fait une offre, et j’ai convaincu Robert Harris que l’adaptation gagnerait à être orchestrée par un producteur indépendant. Il avait écrit un roman brillant, se déroulant dans un univers hors du commun et méconnu."
L'adaptation et le scénario ont été confiés à Peter Straughan, connu pour son travail sur le film La Taupe adapté de John Le Carré. On lui doit également les adaptations du Bonhomme de neige, d'après le roman de Jo Nesbø, et du Chardonneret, qui porte à l'écran l'œuvre de Donna Tartt, récompensée par le prix Pulitzer de la fiction 2014. Ayant reçu une éducation catholique, Straughan a aussitôt été sensible au roman comme le signale la productrice Tessa Ross. "C’était très utile que cet univers, avec ses rituels et ses codes, lui parle", dit-elle.
Le scénariste a été immédiatement séduit par la lecture du roman de Robert Harris qui fait selon lui "partie de ces rares romanciers qui écrivent des œuvres littéraires d’une grande intelligence tout en ayant une intrigue captivante. C’est un bonheur pour un scénariste car il construit ses romans brillamment tout en imaginant des personnages forts et des dialogues marquants."
Conclave est réalisé par Edward Berger, réalisateur du film de guerre À l'Ouest, rien de nouveau, sorti sur Netflix en 2022. Ce n'est pas la première fois que le cinéaste allemand participe à un projet en langue anglaise : il avait auparavant signé des épisodes de The Terror, Patrick Melrose et Your Honor.
D’après Michael Jackman, producteur chez FilmNation Entertainment et présent sur le plateau en Italie, la sensibilité de Berger et son sens du détail ont joué un rôle décisif dans la réussite du film : "Il avait une vision d’une grande précision et il s’y est tenu. Tout ce qu’il avait envisagé de faire a fonctionné à merveille. Il y a cette magnifique image, impressionniste, d’un acteur, seul, dans la Chapelle Sixtine – une image qui semble hors du temps et qui s’est révélée cruciale pour le film. C’est Edward Berger qui en a eu l’idée. Il m’a seulement fallu lui faire totalement confiance et il a constamment été à la hauteur."
Le rôle principal de Conclave, celui du cardinal Lawrence, a été confié à l'acteur anglais Ralph Fiennes. Or, dans le roman, son personnage est italien et s'appelle Lomeli. Le film étant en plus majoritairement en langue anglaise, le réalisateur a décidé de faire du personnage un cardinal anglais. Le comédien remarque : "La première question que je me suis posée était de savoir s’il existait des cardinaux anglais. On a découvert qu’il y en a trois et que c’est donc assez plausible. Mais comme le film se déroule en Italie, je tenais à m’exprimer en italien quand Lawrence s’adresse au conclave. Et quand Lawrence affronte le cardinal vénitien, son principal adversaire, il se débrouille parfaitement en italien".
Conclave a été tourné à Rome et, plus précisément, à Cinecittà. Fondés en 1937 sur la volonté de Benito Mussolini, ces légendaires studios étaient destinés à soutenir le cinéma italien. Partiellement détruits par les bombardements alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont été reconstruits dans les années 1950 et sont devenus les plus vastes studios d’Europe.
Il n'était pas possible d'obtenir une autorisation de tournage au Vatican. C'est pourquoi la Chapelle Sixtine et la résidence Sainte-Marthe ont été reproduites à Cinecittà. La reconstitution des intérieurs du Vatican, inaccessibles au grand public, a nécessité de la recherche, de l’imagination et de l’ingéniosité. Pour la célèbre Chapelle Sixtine, la chef-décoratrice Suzie Davies a pu réutiliser un décor existant qui était stocké à Cinecittà et qu'elle a pu restaurer en faisant appel aux mêmes peintres qui l’avaient conçu au départ.
Edward Berger craignait que les scènes où les cardinaux votent – procédure qui se produit à six reprises en trois jours – ne soient pas captivantes. Grâce au recours au story-board et à la prévisualisation, chaque séquence est singulière : "Elles sont toutes très fortes, chacune à sa manière. Loin de ralentir l’action, elles font avancer le film. On a hâte de savoir qui domine l’élection et qui a perdu quelques voix. Avec mon chef-monteur Nick Emerson, on a passé quelques mois à ciseler la narration. Le cadre, le son, les costumes, les décors sont tous au diapason pour créer un spectacle unique."
Avec Conclave, c’est la cinquième fois que le compositeur Volker Bertelmann collabore avec Edward Berger. Il a notamment signé la partition de À l'Ouest, rien de nouveau qui lui a valu un Oscar. À l'instar du film de guerre, le réalisateur voulait une musique qui offre un contrepoint à l'image tout en la mettant en valeur.
Pour le thème du cardinal Lawrence, au lieu de l'orgue qui semblait évident, Bertelmann lui a préféré le Cristal Baschet, mis au point par les frères Bernard et François Baschet, qui se compose de tiges de verre mises en vibration grâce aux doigts mouillés de l’interprète.