La voie qu’a choisi le réalisateur Edward Berger, c'est celle du thriller politique. Avec « Conclave », il nous propose un film de 2 h qui passe comme une lettre à la poste, qui ne ménage ni le suspens, ni les coups de théâtre et les révélations, avec même en prime une scène spectaculaire à l’aube du dernier quart d’heure,
une scène de violence cruciale pour l’avenir de l’élection
. Il utilise une musique un peu dissonante, un peu « sèche » pour illustrer son film. Elle m’a interpellé au début car je l’ai trouvé forte et j’ai trouvé qu’elle appuyait un peu trop les effets et puis j’ai finis par la trouver finalement bien à propos, parce qu’il a la bonne idée de bien l’utiliser et de ne pas en abuser. Il nous offre même de jolis plans (tout ce rouge et ce blanc, sur certaines scènes cela fait penser à… « The Handmail Tales » !), il utilise un peu le hors champs
(au moment de la fumée blanche, que l’on ne devine que pas le son des clameurs de la foule)
, honnêtement « Conclave » est bien tenu. Il est aussi parfaitement interprété car un Ralph Fiennes toujours parfaitement dans le ton qui convient et un Stanley Tucci a qui on a vraiment envie de refiler la tenue papale,
tant il soutient ses postions réformatrices avec conviction
. J’ajoute John Lithgow (un peu effacé quand même) et Carlos Diehz à la liste des acteurs parfaitement dans leur rôle. Et puis il y a une femme, Isabella Rossellini, qui incarne une sœur responsable de l’intendance, dont le rôle est forcément un peu effacé au milieu de ce casting de cardinaux. « Conclave » est l’adaptation d’un roman de Robert Harris que je n’ai pas lu, je en peux donc pas dire si l’adaptation est fidèle ou non. Mais le Conclave auquel on assiste ressemble presque plus à une Convention d’un parti politique américain en moment des Présidentielles qu’à une assemblée spirituelle. Le suspens du film ne réside pas dans les causes de la mort brutale du Pape, il ne s’agit pas d’un polar ! Il réside dans l’accumulation des tours de scrutins
alors que les candidats les plus « dangereux » (principalement le traditionnaliste Tedesco) font le vide autour d’eux.
Parallèlement aux votes qui voient les uns baisser, les autres monter en flèches et les indécis aller de l’un à l’autre, le Cardinal Lawrence
découvre que les impétrants ont des vraies casseroles accrochés à la robe épiscopale, des casseroles que le Pape décédé n’avait pas eu le temps de dénoncer. Plus le film avance, plus on se dit que le pouvoir pontifical va échoir dans des mains effrayantes, puisque tous les autres sont mis KO.
Intrigues de couloirs, trahisons, ambitions et ego démesurés, on est parfois plus dans le combat des personnes que dans le combats des idées. Je ne connais pas assez le fonctionnement d’un Conclave pour avoir tout compris peut-être, ce huis-clos qui en est un sans en être vraiment un (Lawrence apprends beaucoup de choses de l’extérieur, c’est donc un huis clos perméable) est-t-il fidèle à la réalité ? Je ne saurais le dire. En revanche, le bal des ambitions, je pense qu’il fait mouche.
La fin du film (et l’identité de celui qui sera élu) ne sera peut-être pas du gout de tout le monde, avec un ultime rebondissement qui m’a bien plu et que j’en n’ai vu venir que tardivement. Certains le trouveront peu être peu à leur gout, un peu trop politiquement correct peut-être mais moi je l’aime bien, cette fin en forme de « pied de nez ».
« Conclave » n’a certes pas que des qualités mais je lui trouve quand même bien peu de défaut : bien rythmé, bien interprété, pédagogique (sur un petit monde qui nous est forcément mal connu) parfaitement dialogué, il bénéficie d’un scénario charpenté sans manichéisme et qui ne choisit pas (trop) la facilité. C’est un très bon film, qui mérite amplement qu’on y consacre deux heures et qu’on s’immerge avec la Cardinal Lawrence dans un grand panier rempli de crabes habillés de rouge et de blanc.