Le doute détruit-il la foi ?
Somme toute en 23 ans de carrière, l’allemand Edward Berger a peu réalisé pour le grand écran. Mais, cette fois avec ces 120 minutes, il frappe un grand coup. Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s'intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu'il doit découvrir avant qu'un nouveau Pape ne soit choisi. Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde. Tension à couper au couteau, photographie somptueuse, scénario diabolique et une interprétation au dessus de tous soupçons. Du grand art. Laissez-vous enfermer dans le Vatican le plus secret, vus ne le regretterez pas.
Ce film contient tous les ingrédients pour un thriller de haute intensité. Le léger Habemus Papam de Nanni Moretti (2011) était centré sur la terreur que le cardinal Melville ressent lorsqu’il est élu pape et le conduit à fuir sa charge. Les deux papes de Fernando Meirelles (2019) qui mettait en scène la révélation de la démission du pape Benoît XVI à celui dont il ignore qu’il va lui succéder sur le siège de Pierre. Conclave, pour sa part, pénètre dans les arcanes d’un des phénomènes les plus secrets, l’élection du pontife romain, mais, pour la première fois, il tente de montrer du dedans le processus d’élection. La qualité du scénario aux multiples rebondissements, des acteurs totalement investis, - j’y reviendrai -, mise en scène au scalpel jouant admirablement du cadre à la fois somptueux et claustrophobe de la Cité du Vatican et, plus encore, de la chapelle Sixtine. Il s’agit ici de l’adaptation du thriller éponyme de Robert Harris, paru en 2016. Il s’agit à la fois d’un thriller politique et religieux qui tient en haleine de bout en bout. La narration est virtuose et le cadre, le son, les costumes, les décors sont tous au diapason pour créer un spectacle unique. Un huis clos dont on ne sort pas indemne.
Côté casting, le britannique Ralph Fiennes ne quitte pas l’écran et capte toute l’attention avec une présence tout en intériorité. Un rôle à Oscar. Mais, tous, Stanley Tucci, Isabella Rosselini, - qu’on retrouve avec plaisir -, John Lightgow, Lucian Masmati, Sergio Castellitto, Carlos Diehz, lui donnent une formidable réplique. Un suspense épiscopal haletant et étonnamment féministe… je ne pensais pas écrire ces mots un jour. Je retiendrai finalement un extrait de l’homélie d’ouverture du conclave qui disait : La certitude est le plus grand ennemi de l’unité. La certitude est l’ennemi mortel de la tolérance. Des mots qui devraient résonner aux oreilles et aux consciences de beaucoup de nos politiques. Un des grands films d’une année pourtant riche.