Après s’être imposé comme le maître de l’animation sur grand écran et cumulé les petites merveilles intemporelles ("Blanche Neige", "Pinocchio", "Peter Pan", pour ne citer qu’eux), Disney a connu, à compter des années 60, un passage à vide artistique qui a duré jusqu’aux années 90 (avec son second âge d’or amorcé par "La Petite Sirène"). Non pas que ces 30 années ne recèlent pas certains petits trésors ("Les Aristochats", "Les 101 Dalmatiens" et "Robin des Bois" datent de cette époque) mais force est de constater que l’intérêt de Walt Disney s’est moins porté sur la qualité de ses dessins animés que sur d’autres projets (télévision, film d’animation en prise de vue réelle comme Mary Poppins, Disneyland…), ce qui s’est fortement ressenti sur la qualité visuelle des œuvres produites. Avec leur animation répétitive d’un long-métrage à l’autre, leur coup de crayon moins soigné et leur sujet moins féérique, les dessins animées de cette longue période ont, à quelques exceptions près, moins marqué les esprits. "Les aventures de Bernard et Bianca" n’échappe pas à la règle. Outre les défauts formels susmentionnés, il souffre d’une musique invraisemblablement déprimante et ce, dès le générique de début. Il est vrai que ce que raconte le film, à savoir les malheurs d’une jeune orpheline que personne ne veut adopter et qui va être utilisée par un couple sordide pour récupérer un diamant au péril de sa vie, n’est pas un modèle de fantaisie. Le concept même des souris aidant les enfants en danger dans le monde apparaît un peu tiré par les cheveux et empêche d’être totalement immergé dans le récit. Résultat : le film parait terriblement daté et un peu bâclé. Heureusement, Disney reste Disney et le cahier des charges "maison" permet de venir alléger le propos. Tout d’abord, le duo vedette est étonnant dans son renversement des canons de l’époque et complémentaire. Ainsi, Bernard n’est pas le héros vaillant qu’on pouvait attendre mais un concierge timide et maladroit qui passera le film à lutter contre sa peur. Quant à Bianca, elle n’a rien d’une frêle demoiselle impressionnable mais s’avère être, a contraire, la tête brûlée du duo qui assume, du reste, sa féminité (du girl power avant l’heure). Les seconds rôles sont, comme toujours, haut en couleur, de l’albatros Orville au vieux chat Rufus en passant par les habitants du bayou (dont la fameuse libellule Evinrude). Quant aux méchants, ils sont plutôt réussis (et très amusants dans leurs chamailleries) mais sont, sans doute, trop peu caractérisés pour espérer passer la postérité (Médusa fait un peu clone de Cruella, Mr Snoops a un physique très commun et les deux crocodiles n’ont rien de particulier). C’est davantage les relations entre ce quatuor maléfique et Penny qui est original, à commencer par les réactions de la petite fille lorsqu’elle est en présence des deux crocodiles (qui ne lui font visiblement pas très peur). De manière générale, le personnage de Penny est salvateur à l’histoire puisqu’elle refuse de se laisser abattre et fait preuve d’une combativité qui permet au film de ne pas verser dans un misérabilisme à la Dickens. Et, comme toujours chez Disney, le casting vocal français est de tout premier choix, avec des cadors comme Roger Carel, Philippe Dumas, Francis Lax ou Claude Bertrand. "Les aventures de Bernard et Bianca" se regarde, donc, gentiment, réserve quelques séquences mémorables (le décollage en albatros à New-York, l’affrontement avec les crocodiles dans l’orgue…) mais ne parvient pas à se hisser au niveau des grands classiques Disney. Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir droit à une suite de bonne facture…