Bien qu’il soit connu dans le cinéma musical (avec Fame et Pink Floyd : The Wall), la carrière d’Alan Parker a été littéralement lancée par Midnight Express (2 Oscars remportés sur 5). Depuis, le statut de réalisateur militant le suit à chacun de ses longs-métrages. Jusqu’à son dernier en date (La vie de David Gale, 2003, qui traite de la peine de mort), en passant par Bienvenue au Paradis et, le film de cette critique, Mississippi Burning (au sujet des ségrégations). Ce dernier a énormément fait parler de lui, étant sorti aux États-Unis avec la puissance d’un uppercut, rappelant à cette Nation un fait divers des plus abominables que l’Amérique ait connu.
Il s’agit d’une enquête. Celle du FBI qui tente d’élucider la mystérieuse disparition de trois jeunes militants des droits civiques, deux Blancs et un Noir, dans l’État du Mississippi. Où régnait encore une haine sans faille envers les hommes de couleur, qui étaient traités comme à l’époque de l’esclavage. Régis par la peur du Ku Klux Klan, qui faisait des ravages et qui « serait » (ne gâchons pas le suspense !) l’auteur de cette mystérieuse disparition. Vous l’aurez compris, le scénario de Mississippi Burning veut frapper là où ça fait mal ! En faisant ressurgir sur le devant de la scène une sombre histoire de l’Humanité. Celle où les Noirs étaient encore considérés comme des animaux aux yeux des Blancs. Tout comme ceux qui les défendaient. Mais le film va encore plus loin que son postulat antiracisme !
Car Mississippi Burning n’est pas une simple enquête où quelques fédéraux se rendent dans une petite ville pour l’élucider. Leur arrivée va carrément déclencher une guerre ! Qui va susciter la haine des ségrégationnistes, qui vont alors passer à l’action : agressions publiques, fusillades, incendies, tentatives de meurtre… Tous les crimes défilent dans ce film pour parler d’insécurité. Pour mettre en valeur le bourbier sans fond dans lequel s’enlise les agents fédéraux à force de vouloir faire la loi dans un État qui ne veut changer d’éthique.
Comme critique, nous y trouvons également celle dénonçant la manipulation des foules. Et ce par le biais de divers détails, à commencer par l’utilisation des médias (d’ailleurs, le long-métrage se permet quelques interviews fictives de la population, renforçant le côté raciste des habitants). Ou encore le rôle de la politique dans toute cette affaire (le maire tentant de faire taire l’enquête du FBI et des « attentats » qui en découlent afin de garder une bonne image de sa ville, et aussi de l’État par la même occasion). En passant, bien évidemment, par les meetings de personnes appartenant au Klan (et qui pourtant, publiquement, le démentent) ayant pour but d’endoctriner (jusqu’aux jeunes enfants) le plus de partisans possibles afin de mener à bien leur monstrueuse quête.
Bref, Mississippi Burning est ce que l’on appelle un film engagé, riche en thématiques et qui fait plutôt mal. Et tout cela sur fond d’un buddy movie dans la plus grande tradition hollywoodienne : l’agent vétéran (sudiste lui aussi mais qui doit pourtant faire face à la connerie morale de ses « semblables »), aux méthodes illégales mais efficaces, devant faire équipe avec son supérieur, jeune en costard-cravate (comme tous les fédéraux du film, dont la vue prodigue par moment un effet comique, histoire d’alléger l’atmosphère), à cheval sur les principes et le légalisme du FBI. Amenant ainsi à deux personnages bien écrits et interprétés avec conviction (Gene Hackman en tête). Dont l’un d’eux permet l’introduction d’une trame secondaire qui s’annonce comme une romance, mais se révèle être une nouvelle dénonciation, de l’attitude misogyne (voire violente) de certains individus. Vraiment riche en sujets, ce film !
Sans compter que Mississippi Burning ne se contente pas de son histoire. Il la fait vivre ! Grâce à une mise en scène ingénieuse et une photographie réussie (d’ailleurs, le film recevra ce seul Oscar comme récompense parmi ses 7 nominations) qui enrichissent la cruauté des images, sans tomber dans le gore ni la violence gratuite. Il suffit d’une église en feu, des personnes courant dans tous les sens et une musique évocatrice (très bonnes partitions de la part du compositeur Trevor Jones) pour offrir à Mississippi Burning des airs d’apocalypse qui laissent de marbre.
Avec une ambiance aussi lourde et un sujet aussi fort travaillé à la perfection, normal que le film d’Alan Parker soit culte ! Pour sûr, après avoir vu Mississippi Burning, il est difficile de trouver un long-métrage à la puissance équivalente. Par exemple Le Majordome : joli film qui dénonce, certes, mais qui se présente comme un véritable Bisounours à côté de la gifle qu’est Mississippi Burning, car étant un long-métrage qui préfère raconter et montrer plutôt que de dépasser son postulat de départ. Il est fort dommage qu’Alan Parker n’est plus réalisé un seul film après La vie de David Gale. Car il serait intéressant de voir ce que le bonhomme peut encore nous livrer dans le contexte sociétal actuel.