Un film puissant et superbe, dans lequel le grand maître Bellochio explore ses thèmes de prédilection : la trahison/le renegat (Le traître); le rapt (la série Esterno notte, le film Buongiorno notte, tous deux sur l’enlèvement d’Aldo Moro), les grandes figures historiques toxiques ( Vincere).
Il s’intéresse cette fois à l’enlèvement d’un jeune enfant juif au 19 ieme siècle , lors du pontificat de Pie IX, pour le sauver de l’enfer et en faire un catholique.
Au delà de l’écho de ce thème dans une actualité marquée par les conséquences humaines et sociales de l’intégrisme religieux, ce film marque surtout par la puissance et la beauté de sa mise en scène. Tout l’apparat ici décrit ( paysages, tableaux, églises, riches intérieurs, mais aussi une musique imposante et très belle) peut paraître pesant, mais il concourt en fait a décrire l’extrême injustice faite à cette famille, à cet enfant. Plusieurs scènes marquantes : le départ vers Rome du jeune enfant captif, en une vision totalement fantasmagorique qui évoque la traversée du styx, la rivière qui paradoxalement mène aux enfers, les scènes de retrouvailles avec les parents, l’une glacée, l’autre pleine de tempêtes, l’accueil méprisant faite par le pape au messager venu défendre la cause de la famille du jeune enfant.
Tout est glaçant sous les dorures, et tout sentiment est anéanti par le poids des dogmes.
C’est à la fois terrible et splendide, étouffant et gracieux, doux et violent. Mais surtout d’une absolue maîtrise de la mise en scène. Et de ce talent si précieux que possède Bellochio pour marier l’intimité, la confidence, avec le grandiose et l’excès.
L’énigme principale du film et ce qui fait aussi toute sa richesse , c’est l’attitude du jeune enfant qui finalement semble accepter de se fondre dans cette nouvelle vie, d’accepter cette nouvelle religion, cette nouvelle famille. Une possible hypothèse pourrait elle être ce conformisme italien , déjà exploré par Bertolucci, qui pousse son
Personnage à se ranger toujours du côté du plus nombreux , du plus puissant , pour se protéger, s’intégrer, s’oublier ? …mais Bellochio prend soin de n’apporter aucune réponse à cette interrogation.
Chacun restera libre d’être horrifié ou bouleversé par la scène finale. Bref, un film précieux à voir et revoir
Le retour bredouille de cannes de ce chef d’œuvre est totalement incompréhensible.