Un nouveau film de Nanni Moretti en salles, est toujours pour moi un rendez-vous gourmand de cinéma. Découvert avec « Palombella Rossa », je ne me lasse pas de son cinéma.
Nanni Moretti fait son cinéma depuis maintenant 5 décennies. Il se filme dans son rapport à la société italienne, au couple, à la famille, à sa finitude et à la création cinématographique.
Ses films sont parfois des chefs d’œuvres (La chambre du fils, Habemus papum, Mia Madre, Santiago Italia) et d’autres fois des films mineurs, mais toujours cet esprit joyeux qui vient chatouiller notre rapport au monde en mettant en scène son alter ego qui nous touche de manière universelle.
Dans « Vers un avenir radieux », Nanni Moretti fait un film dans son film, si ça n’est pas la première fois, il en profite pour y inviter le cinéma qui l’anime. Il convoque les cinéastes américains d’origine italienne qui l’interrogent sur le rapport à la violence du cinéma, de Francis Ford Copolla à Martin Scorsese. Il partage avec John Cassavetes qu’il cite, le fait de se mettre au centre de son œuvre en créant des personnages qui sont ses alter ego. On apercevra Gena Rowlands en ouverture du film.
Il compose une longue scène, tentative avortée de remake du chef d’œuvre méconnu de Frank Perry The Swimmer. Il y enchaine les longueurs de nage, le projet étant de le faire de piscine en piscine, tel le déroulement de la vie et de tout ce qu’on a pu rater, comme le faisait le personnage de l’acteur Burt Lancaster en remontant sa lucinda river jusqu’à sa source pour en retrouver la pureté originelle. Et Giovanni (alter ego de Moretti) de constater qu’il est désormais trop tard, il eut fallu pour lui réaliser « Le nageur » 40 ans plus tôt, avant d’être trop vieux. Parallèle émouvant avec le bel homme de Hollywood dont le corps de quinquagénaire n’était déjà plus celui de « Tant qu’il y aura des hommes ».
Il s’entoure des mêmes acteurs, famille de cinéma de Moretti d’un film à l’autre, et nous fait la surprise de la présence de Mathieu Amalric en producteur de son film à ses côtés. Acteur réalisateur lui aussi en France, mais surtout tout aussi tiraillé par des démons intérieurs qui animent sa création. Par la présence du producteur qui se défile avant le clap de fin de tournage, il interroge dans « Vers un avenir radieux » la production cinématographique de Netflix aux coréens qui prendront la relève. Petit clin d’œil au grand architecte Renzo Piano, présent lui aussi dans le film, qui créait et façonne des paysages du monde moderne contemporain.
L’affiche du film nous rappelle celle de Caro Diario. Nanni Moretti la montre dans son film, il se trouvait alors en Vespa de dos prêt à déambuler. De l’introspection de journal intime où le réalisateur s’éloignait, il vient cette fois-ci en trottinette faire face à ses interrogations, toujours en déambulant dans la ville. Il se met au centre des siens et regarde tout autour, en en faisant parfois des tonnes, accentuant de manière outrancière ses mimiques. Cherche-t-il à nous dire qu’il peut jouer lui aussi à croire à un avenir radieux, même s’il doit surjouer ?
C’est bien là tout ce qui fait le charme du cinéma de Nanni Moretti, l’esprit malicieux qui vient contrebalancer l’aigreur du vieillissement et le regard critique qu’il porte sur l’évolution du monde.