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    Gueules noires
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Gueules noires" et de son tournage !

    La claustrophobie sous un angle différent

    Après Hostile et Méandre, Gueules noires est le troisième volet d’une trilogie centrée autour de la thématique du survival. Mathieu Turi confie : "C’est à la fois la fin d’un cycle et le début d’un autre. J’avais envie d’explorer la claustrophobie mais sous un angle différent – et contrairement à Méandre où tout le récit s’appuie sur la claustration d’un seul personnage, on a ici affaire à une bande. Je voulais aussi m’attacher à un personnage qui intègre un groupe soi-disant soudé et montrer comment celui-ci va se disloquer, tout en inscrivant ce récit dans le contexte de la mine."

    "Enfin, je souhaitais explorer le film de monstre, en lui donnant un traitement proche du cinéma américain des années 80 – qui privilégie les effets physiques – et en faisant appel à des comédiens français identifiés qu’on découvre dans un registre inédit pour eux."

    5 km de galeries

    Le cadre spatial en huis clos de Gueules noires est plus imposant que celui des précédents films de Mathieu Turi, puisqu'il s'agit de 5 km de galeries de mines de calcaire : "Je voulais également jouer davantage sur l’obscurité que dans Méandre. Mais il est certain qu’il y a une thématique de l’enfermement qui me travaille et, de manière sans doute inconsciente, c’est ce qui m’attire dans beaucoup de films."

    Pourquoi les années 1950 ?

    Mathieu Turi a choisi de situer l'intrigue de Gueules noires dans le nord de la France des années 1950 pour mêler l’univers de Lovecraft à celui de la mine : un contexte postérieur à Germinal, à une époque où les ouvriers commençaient à utiliser des machines et des marteaux-piqueurs et où les mines faisaient appel aux vagues migratoires nord africaines. "Je me suis rendu compte que c’était un milieu à la fois presque militaire et très cinématographique, avec un langage spécifique, la Salle des Pendus, les passerelles, etc.", précise le cinéaste.

    "A la limite du cliché"

    Très vite, Mathieu Turi a eu envie d’articuler le récit autour d’une bande, comme dans certains westerns et films de guerre, en jouant avec la limite du cliché : "Il y a le gros rigolo, celui qui fait tout péter avec ses explosifs, le plus jeune aux tendances racistes, le nouveau venu à travers lequel on découvre cet univers, le chef qui ne pense qu’à sauver ses hommes, etc. C’est ce qui nous permet d’identifier les personnages et d’avoir un groupe cohérent où chacun a sa fonction, même s’ils ne sont pas que fonctionnels ! Il fallait que chacun trouve sa place et les comédiens nous y ont aidé dès la première lecture. Par exemple, les vannes ont rapidement fusé entre Thomas Solivéres et Marc Riso et je m’en suis servi pour nourrir la dynamique entre leurs personnages", confie-t-il.

    Un fan de Lovecraft

    Mathieu Turi a imaginé toute une civilisation, avec ses rituels, son alphabet runique et sa divinité. Le réalisateur est un grand fan de Lovecraft, et particulièrement des Montagnes hallucinées et Dans l’abîme du temps : "Dans ses livres, il représente souvent un scientifique ou un archéologue qui découvre des ruines, un langage ancien, une civilisation inconnue, et il mêle l’espace, l’histoire et la science-fiction. Il crée des univers étendus, comme celui de Star Wars, qui laissent beaucoup de portes ouvertes si bien qu’on peut inventer d’autres histoires à partir de ses propres inventions. J’ai d’ailleurs voulu assumer la figure du scientifique avec son carnet qui évoque le Sean Connery de la Dernière croisade."

    "Pour les runes et le langage, on a eu d’importantes discussions avec le chef décorateur pour savoir comment évoquer cette civilisation et on s’est pas mal inspirés de l’écriture viking, parce qu’il y avait une logique à lier la région du Nord-Pas-de-Calais au nord de l’Europe. En me souvenant de Peter Jackson qui avait fait graver des incantations elfiques sur les flèches dans Le Seigneur des anneaux, j’ai même fait en sorte que les écritures qui ornent les murs aient un sens. Pour la porte circulaire par exemple, le chef-décorateur m’a fait une dizaine de propositions. C’était un plaisir fabuleux, à notre modeste niveau, de créer un univers cohérent autour de cette civilisation inconnue qui remonte à la nuit des temps."

    Une aide précieuse

    La créature évoque celle d’Alien et ses nombreux bras rappellent la figure d’une divinité. Le design de base est une sculpture préexistante – appelée « néo-paranoïze » - créée par Yoneyama Keisuke, sculpteur japonais dont Mathieu Turi adore le style : "Il s’était lui-même inspiré du Space Jokey du premier ALIEN pour le côté osseux et très sec du visage et d’une divinité à plusieurs bras comme Shiva."

    "Il a accepté de collaborer au film et je lui ai fait valider les modifications qui s’imposaient. On a également une scène qui évoque la Gorgone et les représentations de statues grecques. Je voulais mélanger les influences et les civilisations – je trouvais intéressant de reprendre un design japonais pour un film français dont les références sont principalement américaines, avec une touche de statuaire grecque !"

    Préparation pour les acteurs

    Mathieu Turi a invité les acteurs de Gueules noires dans le Nord pour découvrir le musée de la mine, s’imprégner du milieu des mineurs de fond et rencontrer des descendants de mineurs. Il ajoute : "Ensuite, il a fallu faire en sorte que les acteurs s’acclimatent au décor de la mine de calcaire, où il fait 14° en permanence, avec 80% d’humidité : ils devaient passer six semaines d’affilée dans le noir, dans 5 km de galeries souterraines. Ce n’était pas simple, mais ce travail d’acceptation leur a servi dans le jeu et les a soudés. Il fallait qu’on se dise qu’ils sont rompus à ce genre d’environnement."

    Lieux de tournage

    Avant même que le film ne devienne réalité, Mathieu Turi est parti en repérages et a découvert Arenberg Creative Mine, un ancien site minier disposant de bâtiments où Germinal a été tourné. Il confie : "C’est un espace animé par une équipe jeune, qui entretient le lieu et le fait visiter, et qui l’a aménagé en studio de cinéma ! Il y a même deux studios, des loges, une salle de projection, une école de dronistes, de la logistique, un système électrique pour brancher le matériel, une cantine. En découvrant ce lieu, on a compris qu’on avait tous les décors extérieurs dont on avait besoin, sauf celui de la salle des machines qu’on a tourné dans une autre mine."

    "Ensuite, il nous manquait les sous-sols car ils ont tous été bétonnés depuis la fin de l’exploitation minière. Du coup, on a trouvé une solution grâce à la « mine-image », autrement dit un site recouvert, en surface, où s’entraînaient les mineurs avant de descendre dans la mine. On a pu y tourner le quotidien des mineurs. Pour le prologue, qui se déroule en 1856, on a tourné à Creative Mine dans un espace qui avait servi au film de Claude Berri. On a pu tourner avec d’authentiques lampes à huile du XIXe siècle, une équipe réduite, en très peu de temps, avec des pompiers présents. Tout était authentique : les lampes, la salle des machines, le site."

    Effets spéciaux façon John Carpenter

    Gueules noires ne comporte aucun fond vert : tous les décors sont en dur, et même les démembrements et la créature sont le fruit d’effets artisanaux proches des films de John Carpenter. "J’adore ça ! Je me suis remémoré des films qui ont forgé ma cinéphilie et j’ai pu mettre en avant un vrai savoir-faire français en la matière. De même, les quatre explosions ont vraiment eu lieu. À quoi bon faire du cinéma si on ne peut pas s’amuser avec de gros jouets ? (rires) Surtout, les acteurs sont plus impliqués s’ils ont un vrai feu ou une créature physique en face d’eux."

    "En revanche, on a créé le terril en 3D et on a effacé à l’aide des VFX la présence des sept marionnettistes qui animaient la créature. Mais on a limité les effets visuels au strict minimum", raconte Mathieu Turi.

    Eclairage à la lampe

    Mathieu Turi a à nouveau collaboré avec Alain Duplantier, le chef-opérateur de Méandre : il a souhaité éclairer Gueules noires avec la lampe frontale des personnages : "On a donc fait fabriquer sur mesure ces lampes car elles devaient donner un certain style au film et disposer de plusieurs modes de fonctionnement pour que le faisceau soit plus ou moins large et éclaire l’acteur ou le laisse dans l’ombre, etc. L’ensemble était réglé depuis un iPad. C’était un gros défi."

    "Ensuite, on a effectué d’importants essais caméra sur place pour voir comment réagissait le calcaire avec ces éclairages particuliers et comment on pouvait jouer sur l’obscurité et les effets de lumière. Une fois les comédiens sur le plateau, ils ont fonctionné comme les chefs-op d’une deuxième équipe ! On les a initiés au dispositif et on leur a expliqué quelles en étaient les limites : par exemple, pour s’adresser à un de leurs partenaires, il fallait qu’un autre comédien lui éclaire la poitrine."

    "Du coup, ils pouvaient régler l’éclairage tout seuls. Je tenais à ce qu’ils soient libres car je ne supporte pas que la technique impose son diktat. À plusieurs moments, pendant les scènes, ils ajustaient naturellement leur lampe comme d’authentiques mineurs. Cela a contribué à créer un univers très découpé et une atmosphère incroyable", se remémore le metteur en scène.

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