Gueules noires, en voulant donner le coup de pioche de trop, a réveillé le monstre qui attend tout film d'horreur dans l'ombre : le Ridicule. On pense à cette magnifique ouverture sur les mineurs livrés à eux-mêmes dans un milieu terrifiant (sans besoin de bestiole : claustro, dans le noir, la poussière, les explosions imminentes...), qui avait tout de l'ambiance historique pleine d'envie, avec un panel de personnages vite identifiables (des caricatures, mais on sait au moins les reconnaitre dans la pénombre), la belle photo (on sent un effort sur les lumières dont les halo sont soulignés par la poussière), une bestiole faite mains (notre cœur amoureux des bons trucages bat la chamade, jusqu'à ce que la créature bouge... et là, c'est le drame : ça tremble de partout, mais statique, cela reste super beau), une scène de l'appareil photo (ultra-vue et revue) qui a quand même fonctionné sur nous, toutes ces qualités auxquelles on oppose très rapidement le jeu d'acteur de Jean-Hugues Anglade qui pense certainement être dans un mauvais feuilleton du matin (il a fait rire la salle entière à chaque réplique récitée n'importe comment, brisant les silences pesant qui régnaient grâce à la mise en scène plutôt bonne), les dialogues qui sont non moins absurdes par moments, des questions par milliers qu'on se pose sans jamais avoir de réponse (
elle vient d'où, cette créature ? Comment se fait-il que les sacrifiés ne pouvaient pas s'enfuir du Puits - vers le haut ou vers la galerie -, si les héros à la fin font juste le tour des barreaux pour grimper dans la sortie ? Idem, la bestiole n'avait jamais trouvé cette sortie qui lui tendait les bras ?
), et surtout une introduction qui nous montre tous les dispositifs de la mine (les ascenseurs, les tuyaux, la salle de douche, etc...), qu'on pense logiquement ré-utiliser pour des scènes d'effroi à la fin (les mineurs coincés dans l'ascenseur avec la bestiole qui passe ses bras décharnés au travers de la grille...), et qui ne servent finalement à rien (une vraie déception). Petite mention aussi à la musique qui revient cycliquement (toujours la même), littéralement dès que la seconde "S" de la scène d'effroi a débuté (ils posent le pied hors de l'ascenseur : "Tin, tin, tin, tin...", c'est aussi caricatural que cela), jusqu'à épuiser notre patience, s'en rendre compte lors de la course-poursuite ("Mince, il nous faut encore une musique stressante, pour ce moment, mais on ne peut pas remettre encore la même, pour la centième fois...") et finalement balancer en remplacement une mélodie légère qui n'a rien à voir avec la scène (mais irait parfaitement à un diapo de paysages Windows, si jamais...). Gueules Noires aurait vraiment gagné à rester un film historique (ou juste stressant grâce aux dangers de la mine), ou à l'inverse à couper toute cette intro (frustrante car on ne la retrouve jamais) pour soigner les défauts majeurs de son scénario. La photo reste très belle par moments, on adore l'audace de faire à la main une créature compliquée (même si elle s'articule mal) quand les grands studios plongent souvent dans la facilité du numérique (jamais crédible), et la scène de l'appareil photo nous a bien plu. On a simplement l'impression que Jean-Hugues Anglade et le monteur-son de Gueules noires ont confondu le tournage avec celui d'un autre film. Il faut dire que dans le noir, on ne voit pas bien : ce n'est pas un feuilleton du matin, qui se tourne ? Ah mince.