"Saltburn" d’Emerald Fennell, présenté comme un drame psychologique, nous plonge dans les méandres tortueux des relations humaines et des manipulations émotionnelles. Cependant, malgré une prémisse prometteuse et un cadre opulent, le film semble parfois manquer de profondeur et de cohésion, créant une expérience mitigée.
Dès le début, le film capte l’attention avec son décor somptueux et une photographie soignée par Linus Sandgren. La luxueuse propriété de Saltburn devient un personnage à part entière, une toile de fond fascinante pour les événements qui s’y déroulent. La richesse visuelle est indéniable, chaque plan étant méticuleusement composé pour renforcer l’atmosphère de décadence et de mystère.
Barry Keoghan incarne Oliver Quick avec une intensité palpable. Son personnage, un étudiant boursier tentant de s’intégrer dans un monde de privilèges et d’excès, est à la fois touchant et dérangeant. Keoghan parvient à transmettre la vulnérabilité et la duplicité d’Oliver, rendant ses actions parfois choquantes mais toujours compréhensibles. Jacob Elordi, dans le rôle de Felix Catton, offre une performance solide, bien que son personnage reste quelque peu sous-développé par moments.
Le scénario, écrit par Emerald Fennell, présente une intrigue pleine de promesses mais s’embourbe parfois dans des détours narratifs qui ralentissent le rythme. Les relations entre les personnages sont complexes et intrigantes, mais certaines interactions paraissent forcées, manquant de la subtilité nécessaire pour un impact émotionnel durable. La tension sexuelle omniprésente, bien que censée ajouter une couche de complexité, vire parfois à l’inconfort, surtout dans des scènes graphiques qui semblent gratuites plutôt qu’essentielles à l’intrigue.
Les thèmes de la toxicomanie, de la santé mentale et de l’obsession sont abordés avec une certaine profondeur, mais le traitement de ces sujets reste superficiel, ne permettant pas une exploration complète de leurs implications. La transformation d’Oliver, de victime à manipulateur, est captivante mais aurait bénéficié d’un développement plus nuancé pour vraiment résonner avec le spectateur.
Le film excelle toutefois dans la création d’une atmosphère oppressante et claustrophobe, surtout à travers la musique d’Anthony Willis et les décors de Suzie Davies. Les fêtes somptueuses, les relations tendues et les secrets bien gardés contribuent à une sensation constante de malaise, renforcée par une réalisation qui sait quand ralentir pour laisser la tension s’accumuler.
Malgré ses qualités indéniables, "Saltburn" laisse un goût d’inachevé. La résolution des arcs narratifs semble précipitée, et certaines révélations finales manquent de l'impact émotionnel qu’elles mériteraient. Le film aurait gagné à explorer davantage les motivations des personnages secondaires, dont les actions semblent parfois dictées par les besoins du scénario plutôt que par une évolution naturelle.
En somme, "Saltburn" est une œuvre intrigante et visuellement captivante qui souffre de quelques défauts narratifs et d’une caractérisation inégale. Emerald Fennell montre une fois de plus son talent pour créer des univers sombres et captivants, mais le film aurait bénéficié d’une structure plus resserrée et d’un approfondissement des thèmes abordés. Un film à voir pour ses performances et son atmosphère unique, malgré quelques réserves sur son exécution globale.