Le personnage d'Abdelinho a besoin de rêver. Il vit dans une société conservatrice, supporte un travail pénible et une mère envahissante qui veut le marier à tout prix. Pour s'évader, le Brésil devient le véhicule de son imagination. Le metteur en scène Hicham Ayouch confie : "Un Brésil fantasmé qui représente à la fois la samba, la danse, la libération du corps et une forme de sensualité en filigrane."
"Il tombe amoureux de ce pays, ou du moins de la représentation qu'il s'en fait, mais surtout il tombe amoureux de cette héroïne de télénovela avec laquelle il développe une relation fantasmée. Pour ce jeune homme habitant une petite ville du Maroc, le Brésil incarne la liberté, la joie, la danse et le corps, symbolisant ainsi une forme de transgression. Abdelinho représente cette jeunesse marocaine ouverte sur le monde et créative, en opposition à une frange plus conservatrice de la société."
Abdelinho est un film qui se situe un peu à part, tendant vers le burlesque, le naïf, l'absurde et le surréalisme. Un exemple de cet aspect surréaliste est le "Café des Hittistes". Hicham Ayouch précise : "Hittiste est un terme argotique en arabe algérien signifiant "les gens collés au mur". Métaphoriquement, cela exprime que si ces gens se décollent du mur, le mur s'effondre."
"À travers ce café, j'ai voulu aborder le désespoir de ces jeunes, de cette génération sacrifiée, mais avec humour. Pour moi, Abdelinho est un film transgenre, un objet filmique non identifié qui est difficile à classer, mais qui se définit principalement par la poésie qui s'en dégage."
Hicham Ayouch a utilisé des éléments 3D qui sortent totalement de ce qu'on peut voir habituellement dans des films africains ou arabes. Il note : "Le film embrasse plusieurs genres, alliant comédie, moments de drame et poésie. C'est un conte et une fable contemporaine auxquels j'ai souhaité ajouter des éléments poétiques visuels par le biais de ces effets spéciaux marqués."
"Il y a également une forme de "réalisme magique" que l'on retrouve dans les romans de Gabriel Garcia Marquez ou Vargas Llosa, deux auteurs qui m'inspirent beaucoup. Mon objectif était de traiter des sujets de société sérieux, mais toujours avec légèreté, en adoptant une forme de décalage par rapport à la réalité."
Abdelinho est, pour Hicham Ayouch, une ode à la liberté d'expression, au droit de rêver, un cri en faveur de l'émancipation d'un pays emprisonné par la religion et une morale de plus en plus oppressante. "Le film soulève également la question de l'identité. Comment affirmer son "Je" dans une société qui repose sur le "nous" ? Comment parvenir à être soi-même tout en étant intégré dans sa famille et la société ? Le refus d'Abdelinho de se marier sans amour, simplement pour "être comme tout le monde", illustre cette volonté de créer sa propre identité, en s'affranchissant des carcans et des figures imposées", raconte le réalisateur.