Cuisine et musique
Retour en force ou effet passager ? Ces derniers mois, les propositions de comédie musicale ont afflué au cinéma. C’est un 1er film même si Stéphane Ly-Cuong n’est pas un inconnu puisqu’il est le scénariste du très remarqué Hiver à Sokcho. Jolie idée de scénario : Yvonne Nguyen, jeune femme d’origine vietnamienne, rêve d’une carrière dans la comédie musicale au grand dam de sa mère qui préférerait la voir reprendre son restaurant en banlieue, ou épouser un médecin… vietnamien de préférence. L’intimité de la cuisine, entre plats familiaux et recettes traditionnelles, leur permettra-t-elle enfin de communiquer, se comprendre et s’accepter ? Un affrontement de générations dans une famille immigrée, oui. Mais ce sujet se suffisait sans doute à lui-même. Alors plaquer une comédie musicale ne me paraît pas être l’idée du siècle.
« Une vietnamienne dans une comédie musicale, c’est comme un éléphant qui fait des nems. Ça n’existe pas ». Ce pourrait être la moralité de cette charmante comédie qui a autant de qualités que de défauts. 100 minutes somme toute assez enlevées mais qui sentent cruellement le manque de moyens. Les numéros musicaux sont très cheap et l’interprétation pour le moins inégale. Par contre, les thématiques comme la quête identitaire et l’absence de représentations ou de modèles sont très joliment traîtées. Autre atout du film, on y croise des personnages rarement vus à l’écran comme des femmes de plus de 70 ans, des gens avec des rondeurs, des métisses. La comédie musicale est un genre qui transcende le réel… et en l’occurrence, je ne suis pas sûr que cela ajoute à l’intérêt qu’on peut porter au sujet de fond de ce film. Par contre, ce film donne faim prouvant, une fois encore, que la cuisine est un formidable moyen de communication.
Reste à parler de l’interprétation. Et là-aussi, c’est très inégal. L’héroïne, qui porte bien les styles musicaux très différents - du Broadway de l’âge d’or, jazz et cordes, Gershwin, Cole Porter, Jerry Herman, au disco première période avec des instruments acoustiques, des vrais cuivres, en passant par la variété vietnamienne, parfois mélancolique, avec des touches de danses latines comme le cha-cha ou la pop variété -, est incarnée par Clotilde Chevalier, pas très à l’aise dans les scènes de comédie pure. Par contre, le duo des deux anciennes, Anh Tran-Nghia, Leanna Chea, est aussi savoureux que leurs petits plats. A noter la participation de Thomas Joly, himself. Un film sur la cuisine qui manque un peu de piquant, c’est ballot. Une comédie musicale qui manque de rythme, c’est préjudiciable. Mais saluons l’ensemble de ce tout petit film pour son ambition et sa tendresse.