Et voilà, ça me réapprendra à porter des jugements hâtifs sur un cinéaste. J'ai toujours pensé que Claude Berri était un tocard surestimé comme un autre sans jamais chercher à voir d'autres de ses films (Ensemble c'est tout reste encore aujourd'hui un traumatisme vivace). J'ai visionné "Je vous aime" dans le cadre d'un échange avec un membre et autant dire de suite que la surprise fut belle! On retrouve ici une base simple, comme dans tous les films que j'ai pu voir de lui sauf qu'ici c'est bien. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agisse du "Voyage à deux" français mais nous n'en sommes pas si loin. Du Donen on garde cette narration cousue-décousue, entendez par là une succession de scènes passées et présentes qui se regroupent par le biais d'un montage astucieux. Puis on y parle de l'amour, de la passion, de sa brièveté, de sa force, de sa fin. Et j'aime quand on parle d'amour dans un film, je suis moi-même un amoureux, j'aime aimer, je dirais même que l'amour m'aime (hum tu la sens ma belle phrase prétentieuse qui pourrait figurer dans un Goda... Non rien). Bref un film qui touche à l'humain et à ses sentiments.
On y suit la vie amoureuse d'Alice, quadragénaire dont la vie sentimentale n'a jamais connu de réelle stabilité. Mère de deux enfants, chacun d'un père différent, sa vie se résume à des rencontres aboutissant sur des histoires d'amour passionnées qui ne s'éterniseront jamais. Les différents portraits de personnages proposés sont intéressants et traités avec finesse. Avec un tel sujet qui parle d'amours fugaces, d'infidélité et d'abandon de l'être aimé, ça fait du bien de voir un cinéaste qui ne juge pas ses personnages. Alice est la "salope" parfaite sur le papier, pardonnez-moi du terme et pourtant je la trouvais attachante. Car je la comprenais sans pour autant cautionner ses actes, car c'est un personnage vivant et sincère qui a besoin des incertitudes, des imprévus, des rendez-vous cachottiers qui caractérisent chaque début de relation amoureuse. Et ce film nous narre la vie de ce personnage qui désire rester en permanence dans ces instants-là, qui désire vivre éternellement la passion amoureuse tout en sachant que ce n'est pas possible et que ça la mènera désespérément à la solitude.
On voit ainsi ces flash-backs entrecroisés aux scènes actuelles qui nous montrent toutes les romances que cette femme a vécu. Celle avec Alain Souchon (oui oui) le gentil libraire, celle avec Depardieu (ce doit être la première fois que je le vois dans un vrai rôle) le charnel, celle avec Gainsbourg qui joue le rôle d'un Gainsbourg-bis et celle avec Jean-Louis Trintignant l'homme protecteur et aimant mais délaissé. Des personnages intéressants car pas unilatéraux et jamais clichés, je trouve juste dommage que Gainsbourg ne se détache pas trop de son image dans la vie réelle. Je ne voyais pas Simon, je voyais Gainsbourg et ça m'a un peu gêné dans l'immersion. Après le film n'est pas dépourvu de défauts ni de maladresses, on ne peut pas dire que le propos soit neuf ou original. Disons qu'il est juste sans être bouleversant ni particulièrement profond. Mais ce film ne pète jamais plus haut que son cul, je dirais même qu'il assume sa simplicité. Visuellement c'est vraiment classe, les qualités de metteur en scène de Berri m'ont sauté aux yeux. J'aime ce genre de plan-séquences qui s'étirent lors de scènes dramatiques, le cinéaste capte l'émotion avec brio. J'ai du mal à croire que le mec qui a filmé ça a commis Trésor une trentaine d'années après!
Au fond ce "Je vous aime" est un film bien mené et très humain dans le fond. Une belle oeuvre qui gagnerait à être plus connue.