Jean-Claude Carrière (se définissant comme un "encyclopédiste au temps des frères Lumière") et Goya étaient tous les deux amoureux de l'Espagne. Ils s'interrogeaient sur tout ce qui les entourait et adoraient transmettre cette connaissance. Le réalisateur José Luis Lopez-Linares se rappelle :
"Notre amour pour le vin nous a réunis Jean-Claude Carrière et moi. Il a participé à l'écriture du film puis je l'ai suivi avec ma caméra. Nous avons arpenté les lieux où Goya a vécu et peint."
"Jean-Claude partageait ses réflexions sur ce que ces espaces, ces œuvres et l'atmosphère qui régnait dans ces lieux lui inspiraient. Sa connaissance du sujet était encyclopédique et sa réflexion, vive."
"Ces mots, savamment choisis, étaient aussi beaux en français qu'en espagnol. Le film se présente comme un voyage et agit comme une métaphore. Ce trajet est partagé par Carrière et Goya et d'une certaine manière, nous sommes embarqués nous-mêmes dans ce voyage."
Pendant la conception du film, José Luis Lopez-Linares espérait que ce ne serait pas le dernier tournage avec Jean-Claude Carrière (décédé en février 2021). Le metteur en scène précise : "Il était en bonne forme mais peut-être avait-il l'intuition de sa disparition prochaine ?"
"Notre démarche a consisté à essayer de creuser un trou dans Les peintures noires de Goya pour voir ce qui se cachait derrière. J'avais conscience qu'il y avait beaucoup de correspondances entre Goya et Buñuel mais j'en ai découvert de nouvelles."
"Comme ce chien qui apparaît dans un tableau du peintre et que Carrière avait acheté. La narration s'est construite comme toujours au montage avec Cristina Otero. Nous avons commencé à monter et la structure du film a émergé plus tard. Bien entendu, la mort de Jean-Claude a bouleversé beaucoup de choses."
José Luis Lopez-Linares a pour habitude d'agir à la manière d'un "archéologue sensible, un passeur qui propose des idées, des émotions cachées derrière chaque découverte". Le cinéaste confie : "J'aime me dire que je fais des films aussi pour les morts, pour mes parents et mes amis, pour Chesterton et Miguel de Cervantès, pour mon arrière grand-père Alfredo qui a combattu et est mort à Cienfuegos, pour Goya bien sûr et pour Jean-Claude Carrière. J’espère que de là où il est, il aimera ce film."
L’Ombre de Goya par Jean-Claude Carrière a fait partie de la sélection Cannes Classics 2022 : les documentaires.
José Luis Lopez-Linares a voulu que le spectateur ressente aussi fidèlement que possible ce que la surdité de Goya a changé dans sa vie et son art. Il explique : "Les œuvres de Goya entretiennent un rapport intime avec le cinéma."
"Carlos Saura est originaire d'Aragon tout comme Goya et Buñuel qui s'est toujours intéressé à Goya. Chacun d'entre eux appartient en quelque sorte à cette tradition de conteurs d'histoires. Le film s'achève sur des photographies de Jean-Claude Carrière, ce qui était une manière de lui rendre hommage et de me remémorer les moments partagés avec lui pendant le tournage."
José Luis López-Linares est réalisateur et producteur de films documentaires. Il a été directeur de la photographie des films de Carlos Saura, Fernando Trueba, Jaime Chávarri, Alain Tanner et Víctor Erice. Depuis 1994, il a produit et dirigé plus de quarante films documentaires, notamment Asaltar Los Cielos (Prix Ondas 1997), Un instante en la vida ajena (Goya pour le Meilleur Documentaire 2004) et Extras (Goya pour le Meilleur Court Documentaire 2005).
En 2005 il remporte le Goya de la Meilleure Photographie pour le film Iberia de Carlos Saura. En 2016 sort son film Le Mystère Jérôme Bosch qui a connu un grand succès presse et commercial.