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Yves G.
1 507 abonnés
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3,0
Publiée le 23 septembre 2022
Le documentariste espagnol José Luis López-Linares, met face à face deux géants : le peintre Francisco de Goya (1746-1828) et l'écrivain Jean-Claude Carrière (1931-2021).
L'oeuvre de Goya aurait mérité à elle seule un documentaire. Il fut, entre Velazquez deux siècles plus tôt et Picasso un siècle plus tard, le plus grand peintre espagnol, dont l'oeuvre documente une des périodes les plus troubles de l'histoire de la péninsule et frappe par sa modernité.
L'idée de génie de José Luis López-Linares - qui nous avait déjà guidé dans les salles du Prado à la découverte du Jardin des délices de Jérôme Bosch - est de nous faire découvrir cette oeuvre avec Jean-Claude Carrère. Carrère était un homme aux mille talents, écrivain, scénariste, metteur en scène et à la culture encyclopédique, qui entretenait avec l'Espagne une relation particulière. Il fut longtemps le plus proche collaborateur de Luis Buñuel, dont il signa le scénario de pas moins de six films : "Le Journal d'une femme de chambre", "Belle de jour", "Le Charme discret de la bourgeoisie"...
À près de quatre-vingt-dix ans, Carrère entreprend pour ce documentaire son dernier voyage en Espagne. Il en a conscience. Appuyé sur une canne, la démarche hésitante, il est au crépuscule de sa vie. Mais il n'a rien perdu de sa lucidité ni de son intelligence. Sa voix grave est toujours aussi élégante, sa scansion toujours aussi majestueuse. Avec son immense culture et cet éclair d'ironie dans son regard qui ne le quitte pas, il nous raconte, sans jamais en rajouter, les chefs-d'oeuvre que l'oeil de la caméra caresse : "Le Portrait de la duchesse d'Alba", "Le sommeil de la raison produit des monstres", Les "Majas" nue et vêtue, "Saturne dévorant un de ses fils" et "Tres de Mayo" bien sûr.
"L'Ombre de Goya" ne révolutionne pas le genre. Sa sortie en salles ne se serait pas justifié si les documentaires n'y drainaient désormais un public que les fictions peinent à séduire. Mais il nous fait passer un moment agréable et nous donne le sentiment éphémère d'être plus intelligent et plus sensible que nous ne sommes.
Présenté en première mondiale lors du dernier Festival de Cannes (sélection Cannes Classics) en date, L’ombre de Goya, est un documentaire réalisé par José Luis López-Linares. Ce long-métrage sur l’artiste peintre et graveur Francisco de Goya marque aussi la dernière contribution de Jean-Claude Carrière au 7ème art. Sa contribution est multiple. Il est crédité en tant que coscénariste avec Cristina Otero Roth, également créditée au montage technique du métrage, mais aussi en tant que conteur alternativement dans le champ de la caméra et en voix off. Son apport à cette œuvre est telle qu’elle figure en toutes lettres dans le titre du documentaire : L’ombre de Goya par Jean-Claude Carrière. Critique complète sur www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=304117.html
Le film, voulu comme un voyage par le cinéaste dans la présentation du travail de Goya, va faire le lien avec l’œuvre cinématographique de Buñuel tant les correspondances sont évidentes. Jean-Claude Carrière, scénariste prolifique, auteur, acteur, voix, est ce lien entre les deux génies. Admirateur de Goya et collaborateur, scénariste de Buñuel pendant 19 ans, avec notamment Belle de jour (1967) et Le charme discret de la bourgeoisie (1972).
Alors, Jean-Claude Carrière sur les traces de Goya, c’est un peu Jean-Claude Carrière sur les traces de lui-même. Il est comme amoureux de la fantasmagorie de Goya. Il sait décrypter avec passion et précision, avec plaisir et enthousiasme les différentes œuvres et messages de l’artiste. Et en plus, il sait transmettre. Ce qui est particulièrement émouvant tout au long du documentaire est que Carrière a pleinement conscience que son voyage en Espagne est sans doute le dernier, ce qui donne à chaque moment sur place, davantage encore de grâce et de solennité.
Dans de nombreux véritables tableaux filmés, Jean-Claude Carrière est très beau, très touchant, dans des jeux de couleurs et des décors qui permettent comme une mise en abyme de la lumière artistique.
Finalement, Carrière aura rejoint Goya. Quand on meurt d’amour, on ne meurt pas vraiment. Ils ont sûrement tant à se dire. Sûrement qu’il écrit, que Goya peint, un peu plus loin Buñuel filme et Mozart joue… Et sûrement qu’avec eux, tout est d’une furieuse et sublime beauté.
Cet enchevêtrement entre Jean-Claude Carrier et Goya est magique. Une lecture foisonnante de l’œuvre du peintre par un érudit enchanteur est d'un charme fou, ponctuée par des musiques envoûtantes. Un pur régal.