LA STRADA ( 1954 ), l'un des plus beaux films du cinéma italien, un chef-d'oeuvre absolu, l'oeuvre la plus émouvante de Fellini nous raconte l'histoire de Gelsomina, gamine naïve que sa mère vend à un hercule de foire nommé Zampano. Celui-ci va de villages en villages et éblouit les badauds en jouant sur les places publiques les avaleurs de feu et les briseurs de chaînes. Bien qu'il la traite durement, la douce Gelsomina fait son possible pour gagner le coeur de ce rustre qui se plait à la maltraiter. Mais voilà qu'arrive un autre saltimbanque Il Matto ( le fou ), musicien, poète, funambule,il séduit la jeune femme en lui contant des histoires merveilleuses. Gagné par la jalousie, Zampano tue le musicien, plongeant Gelsomina dans le désespoir. Quand il s'aperçoit qu'elle ne lui est plus utile à grand chose, le bateleur l'abandonne au bord de la route comme un chien malade. Bien des années plus tard, revenant sur les lieux, il apprend qu'elle est morte et, pour la première fois, ce coeur, qui paraissait incapable de la moindre émotion, se laisse gagner par le chagrin...
Dans le rôle de Gelsomina, Giuletta Masina est bouleversante et semble comme un être épargné par le mal. L'intention du cinéaste est évidente : celle d'une rédemption possible par l'amour. Ce long métrage, qui fut très critiqué à l'époque, aborde le sacré, c'est-à-dire ce besoin primitif de l'homme au dépassement de soi sous une forme religieuse ou artistique. Il semble que pour Fellini cet instinct soit à la source des religions comme des arts. Il nous le montre à l'état pur en la personne de Gelsomina, la sensiblité incarnée, un être entièrement bon qui ouvre le monde à une possible rédemption. Dans le rôle de Zampano, Anthony Quinn lui fait face avec une force, une puissance incroyable, les trois personnages du film étant les symboles du combat éternel de la violence et de la grâce.