La Strada, rien que le titre ! Le film, en lui-même, est comme à l'image du visage de son personnage, une mélodie qui se situe au début avec un sourire, avant un écarquillement des yeux, ou les larmes ferme et enterrent l'aspiration de vivre. La métaphore entre la légèreté et la folie, par Fellini, est d'ailleurs une esquisse sublime en la matière. Il pose, en biais, un étrange regard sur les conditions, à première vue très simples, mais qui dans sa transformation de mesure délivre une autre approche, en filigrane, des errances, des chocs, des parcours ...
Il faut voir - et comprendre - comment ce réalisateur contextualise son histoire. Le début du film en est, à titre d'exemple, absolument parfais. A la fois clair comme un jeu d'enfant, on suit l'énoncée, on devine les quelques complexités, on analyse vite et de cela pourtant on ne n'en retrouve qu'un bout ...
Cette mère, qui pleure sa fille, que l'on prétend disparue et qui cherche dans le même temps à revendre sa suivante au type qui le lui annonce narre une pauvreté que l'on capte, très vite, que l'on déplore en quelques sortes, mais dont les larmes et les plaintes au moment de l'adieu traite de manière sous-jacente comme une forme de désespoir de cause ou l'ignorance du sort, véritable ou faux vaut mieux que cette peine-ci, là, à l'instant !
Gelsomina, comme elle se nomme, à qui plus est cette " étrange tête", une démarche aussi, quasi chaplinesque ! Pour cette petite, on comprend que l'échappatoire n'a rien d'une trajectoire faites de roses et de glaïeuls. Ces sourires qui la quittent aussi vites touchent particulièrement une veine d'empathie, pour nous, spectateurs. Une sympathie que ne suscite pas vraiment son " acheteur ", le rustre Zampano. Ce dernier bouffe, picole, cogne, la laisse planté sur le trottoir, dans l'indifférence de tous, excepté des enfants, dont cette dernière se rapproche constamment.
La vie de bohème, d'artiste, est aussi vu avec une poésie enjôleuse et sévère, dans une formule contrastante dont la mise en scène de Fellini souligne la dureté de l'époque et de sa survie. Gelsomina, encore une fois, manifeste une affection particulière pour son mouvement, mais se heurte à la rudesse de l'épreuve. La chute dans le trou du poulailler, ne fait d'ailleurs du tout rire, sa décision de retour à sa vie d'avant, aussi terne et sans saveurs n'a toutefois pas vraiment de conviction de sa part. Ses regards en arrière, pour qu'on la rattrape, avant d'entendre un autre air et d'y courir derrière dans l'effervescence de sa musique est un moment qui me reviens au moment de l'écrire. Précisons une admiration pour celle-ci, Nino Rota, là aussi, un sacrée artiste !
On se prend d'affection, comme je l'ai déjà dit, pour cette jeune femme, à la manière qu'elle à de s'exprimer, rien qu'à elle ! Les quolibets, moqueries des imbéciles qui la maltraite dans les rues désert de la ville qui peu de temps encore faisait elle aussi la fête n'y changeront rien, enfin si ... Il accentue, encore, l'immense tendresse que l'on ressent, pour elle, qui en manque tant. Les gosses, surtout avec les " têtes grosses ", mais aussi dans un certain sens le cirque qu'ils rejoignent, tout comme le couvent auront eu d'effet de parenthèse sur les quelques moments de considération qui sont bien trop fugaces.
Le règlement de compte de Zampano avec son rival trouve un paroxysme dans l'enjeu étrange - à première vue - par l'entremise de celle-ci, vu par tous comme pas bonne à grand chose, mais qui devient le centre de la dispute, le sujet de la discorde définitive. Le combat de coq à lieu, le résultat en deviens troublant, devant les directions et les conseils, par ce petit caillou qui balaie vanité et ordonnance pour le début d'une rêverie ... Infiniment tragique !
J'en reviens à sa musique, à ce passage divin, trompette en main, puis en action, devant ses sœurs éblouit, nous et lui aussi d'ailleurs. Que le moment est incroyable. Si court pourtant. La grange, malheureusement endigue tout ! Le chemin qui conduit à l'embouchure suivante, à sa déferlante continue la perdition. La peur, la décharge de colère finissent sur un déguisement, un maquillage qui camoufle le pire de son horreur. Fuite et abandon, avant l'ultime désolation ... Le remord par victimisation dans la tentative d'oubli lors de la conversation décisive laisse place à une solitude désespéré, que l'ivresse et la rage ne trompe guère. Une réponse à la question de cette grange, trop tardive, seul sur cette plage, en larmes, affalé devant des souvenirs qui retoquent et tranche par une vérité difficile à soutenir.
Une triste fin.
Un mot pour Fellini et sa bande, devant et derrière la caméra majestueuse, merci.