Une intensité mélancolique rare. Avec quelque chose de pudiquement déchiré et déchirant, qui laisse une empreinte durable de tristesse sourde. La réalisatrice Charlotte Wells, dont c’est le premier long-métrage, s’est livrée à une belle catharsis en transposant à l’écran, en fiction, les souvenirs, tourments et questions liés à son père. De celui-ci, elle brosse un portrait par petites touches. Quelques mots, quelques attitudes qui laissent deviner une enfance compliquée et des difficultés présentes : amoureuses, professionnelles, financières… Un père en souffrance discrète, veillant à taire au maximum la dépression qui le ronge, et à égayer, au maximum aussi, le séjour de sa fille. Le tableau est celui d’un moment d’amour, de complicité, de fâcherie confuse, également, parfois. Et puis, des portes d’aéroport se ferment, une cassette VHS se termine et laisse encore beaucoup de choses en suspens. La réalisatrice ne donnent pas toutes les clés informatives et c’est tant mieux. Les non-dits et la couleur émotionnelle suffisent à exprimer l’essentiel (la perte, la blessure). Et peu importe les détails finaux. Ce sont les détails des instants vécus entre père et fille qui sont ici précieux : remémorés, revisités ou réinventés, en se remettant à hauteur d’enfant. Cette enfant pré-ado que la réalisatrice était à l’époque, naviguant entre insouciance et gravité, entr’apercevant d’un côté les premières choses de l’amour et du sexe dans un contexte de vacances au soleil, et de l’autre le désespoir de son père, sur fond de ciel plombé. Le retour sur ce temps et cet âge s’opère en mode minimaliste sur le plan factuel (quelques scènes d’hôtel, de piscine, de plage…). Avec un réalisme subjectif, délicat. Ou un certain impressionnisme. S’il y a quelques petites répétitions et longueurs ici et là, si quelques incursions dans une autre temporalité apparaissent parfois un peu plaquées, cela n’enlève rien à la sensibilité et à la force de l’ensemble, porté par un style singulier et une interprétation attachante.