Une belle semaine pour le cinéma intelligent! Apres avoir vu, hier, les horreurs de la condition ouvrière en 1970 grâce à l'Etabli, nous découvrons aujourd'hui les horreurs de la société coréenne -en 2016. Ce film, réalisé par July Jung, nous révèle à quel point cette société, du bas en haut des structures sociales, est régie par la dureté, la compétition forcenée et le respect absolu d'une hiérarchie qui peut tout se permettre. Dans les bureaux de chaque structure un énorme tableau montre la position de celle ci parmi ses pairs.... et ça commence au niveau du lycée professionnel -agricole en l'occurrence. Là, il s'agit de compter combien d'élèves terminent leur stage de fin de scolarité, et l'enseignant se démène pour les caser tous. Les garçons, en usine, même si ça ne correspond pas du tout à leur formation, et la plupart démissionnent, c'est trop dur....
Parmi les filles, Sohee (Kim Si-eun). Elle vient d'une famille pauvre, père transporteur, mère au foyer, même si ça ne voit pas à l'embauche, avec ses chemisettes au col bien boutonné et ses gilets; elle n'est pas très bonne élève, un peu trop rebelle peut être, mais elle est gaie et elle fait partie d'un groupe où des femmes de tous âges dansent au son de la K-Pop..... Elle va enfin gagner de l'argent!
Elle atterrit dans un centre d'appel pour une société qui vend de l'Internet. Elle est donc chargée de répondre aux clients, en général mécontents, qui appellent pour résilier leur abonnement. Le rôle des conseillères est de persuader le mécontent de ne pas résilier, au moyen de tous les arguments imaginables (tout est écrit!) et même si elles ont au bout du fil un furieux éructant qui les traite de p... et de salope, de lui proposer, puisqu'il n'est pas content, une autre formule qui lui conviendrait très bien. Bien sûr il y a un manager qui écoute toutes les conversations et peut intervenir quand ça dérape trop. Jun Ho (Sim Hee-seop) est plutôt bienveillant. Mais il est soumis aux pressions de sa hiérarchie.... Et le groupe est mal classé! et Sohee est lente! Et elle découvre qu'elle ne touche pas ses primes. Eh oui! Insouciante comme les gens de son age, elle n'a pas lu son contrat en détail Les primes sont retenues et ne sont versées qu'à la fin du stage; comme ça, si le stagiaire démissionne, il n'a droit à rien. Voilà pourquoi le centre n'utilise que des stagiaires, et voilà qui arrange bien le lycée.... Il parait que depuis 2016, suite à cette triste affaire, la législation a changé.
Dans la deuxième partie, on suit Oh Yoo-in (Doona Bae qu'on a déjà vu dans un rôle similaire dans Les bonnes étoiles), inspectrice opiniâtre et déterminée à faire progresser la justice, qui pense qu'un suicide n'arrive jamais comme ça, si par ailleurs tout se passe bien dans la vie familiale, sentimentale et amicale....Le film prend alors un petit tournant vers une enquête policière. Et la police aussi n'aime pas trop faire de vagues.... Vous sortirez essoré de cette plongée dans les dessous d'un pays qu'on nous présente toujours comme exemplaire: les gens n'y font pas la grève..... tout va bien! C'est absolument passionnant, c'est à voir absolument.