La jeune photographe Fanny Molins a commencé par photographier les habitués de l’Atlantic Bar, un modeste café situé à une encablure des Arènes d’Arles, avant de décider d’y tourner un long métrage documentaire. Initialement centré sur le personnage de Sandro, le fils de la patronne, il s’est finalement focalisé sur sa mère, Nathalie, une alcoolique en rémission.
"Atlantic Bar" est un documentaire profondément touchant qui se déroule quasi exclusivement dans un seul lieu. On n’en sortira que pour quelques échappées belles, les mardis, le jour de fermeture du bar, à Port Saint Louis, à l’embouchure du Rhône, où Nathalie et Jean-Paul vont pécher, avec leur chien et avec un ami, ancien clochard, qu’ils ont adopté comme l’un des leurs.
Atlantic Bar est un troquet ordinaire dont la porte, toujours ouverte, donne sur une rue sans caractère du vieil Arles. On y vient prendre un noir – à 1,50€ à peine – un pastis ou une bière. On y vient surtout pour y passer un moment, taper le carton et la discute avec Nathalie la patronne. On découvre sa vie cabossée et sa longue addiction à l’alcool qui ressurgit périodiquement. Son conjoint, Jean-Paul, un taiseux au grand cœur, les chicots jaunis par l’abus de cigarettes, la couve d’un regard protecteur.
Le bar compte ses habitués aux trognes incroyables, Alain, Claude, Gilbert… L’un est un ancien clochard, l’autre un ancien taulard, le troisième un poète un peu fou. On les croirait tout droit sortis d’un film de Pagnol ou d’Audiard.
Le tableau serait ennuyeux si un événement ne venait bousculer le train-train quotidien de ses personnages : la décision du propriétaire du fonds de le mettre en vente et, si Nathalie et Jean-Jacques ne s’en portent pas repreneurs, de les évincer. L’annonce bouleverse Nathalie qui replonge dans l’alcool. Les frères Dardenne en auraient fait une fiction suffocante dans laquelle le couple aurait tenté, par tous les moyens, dans une course à la montre haletante, de réunir la somme exigée par le propriétaire. Rien de tel dans "Atlantic Bar" qui ne quittera pas le registre qui est le sien : celle de la chronique pleine de tendresse, à hauteur d’hommes.