Mélo flamboyant
Chouette, un film pakistanais, se dit in petto votre Jipéhel préféré ! C’est même le 1er film pakistanais présenté à Cannes. Autrement dit, du cinéma d’ailleurs, c’est incontournable. Mais quand on sait que le cinéaste de ce petit bijou, Saim Sadiq, a reçu le Prix du Jury dans la catégorie Un Certain Regard, plus aucune hésitation n’est permise. A Lahore, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l’irrésistible appel de la liberté. 126 minutes qu’on ne voit pas passer, tant le drame et la romance se mêlent avec grâce et naturel dans les quartiers populaires de Lahore, - entre et 11 et 13 millions d’habitants, ce qui, en Inde, en fait une ville moyenne -. Dépaysement et émotion garantis.
Pour un 1er film, c’est gonflé. Car, rappelons-le, nous sommes au Pakistan, royaume du patriarcat, un pays où d'immenses progrès sont attendus dans une société qui vit encore sur des lois non écrites, datant des siècles passés. Joyland est le nom d’un authentique parc d’attractions de Lahore, un havre de paix, une parenthèse enchantée hors des devoirs de la vie quotidienne. Grâce à une structure narrative qui gagne en ambition et en complexité, le film accorde autant d’importance aux deux amoureux ainsi, et c’est plus inattendu, qu’à la femme du héros. Cette histoire d’amour pourrait avoir l’air convenue mais le regard que Sadiq, lui-même homosexuel, pose sur ses personnages est nuancé et contemporain. Ce qui frappe c’est l’équilibre parfait entre moments légers, voire euphoriques, et épisodes très dramatiques, sans que jamais le fil narratif ne soit rompu, le tout sublimé par un esthétisme raffiné et la richesse du récit. Un incontournable qui sortira sur nos écrans le 20 décembre.
Ali Junejo est un merveilleux acteur – que je découvre comme vous -, et il sait nous faire partager tous les sentiments contradictoires qui le traversent durant cette romance dramatique. Mais la grande triomphatrice, dans ce casting impeccable, reste Alina Khan, par sa flamboyance, son talent de danseuse et sa capacité à assumer sa transsexualité dans un pays où, de toute évidence, ça ne doit pas être facile tous les jours. Ajoutons les noms de Rasti Farooq, Sarwat Gilani ou Sania Saeed, tous épatants. Ce bijou venu d’ailleurs a également obtenu la Queer Palm. Vaut vraiment le voyage.