On sait maintenant que Saeed Roustaee est un grand; on a un peu de mal à rentrer dans ce film exagérément long -parce que nous sommes dès l'abord confronté à un aspect de la civilisation iranienne assez déconcertant.
Le père (Saeed Poursamini), vieillard irascible, autoritaire, capricieux et avare (et pour finir, devenu opiomane...) héberge de plus ou moins bon gré une partie de ses quatre fils et sa fille. L'acteur rend magnifiquement le côté odieux du patriarche... Leila (Taraneh Alidoosti) est là parce que son père a toujours empêché ses projets de mariage. Elle travaille, mais elle doit aussi seconder sa mère, naturellement inconditionnelle de son seigneur et maitre...
Pour les frères, rien n'est simple. Parviz (Farhad Aslani) travaille, lui aussi, mais il est affligé d'une monstrueuse obésité et de cinq adorables marmottes de moins de sept ans....Manouchehr (Payman Maadi) trafficote et Farhad (Mohammad Ali Mohammadi) conduit un taxi. Enfin, Alireza (Navid Mohammadzadeh), le plus pondéré, le plus raisonnable, vient de se faire licencier d’une entreprise en faillite frauduleuse, ce qui veut dire, en gros, qu'il n'aura droit à aucune indemnité.... Une belle scène d'introduction montre les ouvriers quittant l'usine la tête basse, alors que dans la mosquée, les têtes s'inclinent sous le poids des commandements saints.... Comprenne.... qui voudra.....
Dans ces grandes famille chiites, la tradition veut qu'il y ait un parrain, choisi parmi les anciens. Dans son nombreux et riche cousinage, le père fait figure de minus. Et pourtant, à la mort du présent parrain, lui, le fauché avec sa famille de bras cassé, il rêve de lui succéder.... d'être la vedette... de présider, sur l'estrade, aux réunions de famille, et très vite, au mariage du fils d'un opulent cousin. Elle sera grandiose, la cérémonie (les femmes d'un côté, les hommes de l'autre), des centaines de musiciens, un orchestre, un somptueux buffet.... Oui mais, c'est le parrain qui doit faire le plus gros cadeau (en gros, il paye le mariage...). L'opulent cousin lui fait bien comprendre qu'il n'est pas le bon candidat. Eh bien, si: il les a, les quarante pièces d'or....Il la vivra, cette soirée de rêve. Il sera, brièvement, celui à qui tous rendent hommage.... Oui, il les a économisées, pendant que sa famille vit dans la mouise... Vous comprenez que ce côté là de la société iranienne nous surprend et nous déconcerte.
Mais dans la famille il y a un mec: c'est Leila. Qui veut acheter un local dans l'immeuble où elle travaille, bien placé (même si pour le moment ce sont des toilettes) pour ouvrir une boutique dont tous les frères pourront vivre. Dans une scène d'une incroyable violence, elle en va jusqu'à gifler ce père que les garçons, eux, ne peuvent que continuer à respecter parce que les traditions l'imposent. La fin est absolument désespérante: revendre le local? Mais c'est la crise de l'uranium enrichi, et le sanctions internationales font que la monnaie iranienne se dévalue et que le local ne vaut plus rien, par rapport à son prix de départ....
C'est un film, contrairement à d'autres, récents, fait pour être projeté en Iran. La preuve: les femmes gardent le foulard, même chez elle, en présence de leur père et de leurs frères. Même si, pas une seule fois, le nom du prophète n'est prononcé! Apparemment, le famille se fiche de la religion. Pour nous, c'est un film qui, outre ses grandes qualités formelles, nous fait découvrir encore un peu plus profondément cette civilisation à la fois si lointaine et si proche...