L’histoire chilienne est si forte et si dramatique en histoires d’une cruauté inouïe, qu’elle nourrit le cinéma de ce pays depuis plus de 50 ans.
Récemment, Nanni Moretti dans son excellent documentaire «Santiago, Italia », témoignait de l’activité de l’ambassade italienne à Santiago dans les mois qui ont suivi le coup d’état de Pinochet en 1973, avec des images d’archives incroyables.
Riches sont les témoignages au cinéma de ces tristes pages de l’histoire.
Le titre « Chili 1976 » ne souffre d’aucune ambiguïté pour situer l’intrigue, 3 ans après la disparition d’Allende. Nous spectateurs savons à quoi nous attendre. Et pourtant, ce 1er film de la réalisatrice, qu’elle semble avoir nourrit de son histoire personnelle familiale est une vraie surprise, tant l’angle de vue adopté est original pour aborder une période très sombre de l'histoire de son pays.
Le personnage principal est une élégante femme au foyer, bourgeoise quinquagénaire, préoccupée par le fait de repeindre avec la bonne couleur sa résidence secondaire au bord de l’océan. Son mari médecin, enfants et petits-enfants la rejoignent en villégiature.
Tout en cherchant la colorimétrie parfaite, détail futile qui fait son quotidien, elle feint de ne pas voir les arrestations arbitraires et sauvages sous ses yeux. Une chaussure de femme abandonnée sous la porte de sa rutilante 404, tel le vestige d’une vie, disparition soudaine d’une personne qu’on venait d’entendre crier jusque dans l’intérieur de la boutique.
C’est par ces choix ténus de détails narratifs à l’image, que la réalisatrice parvient à nous transporter dans la grande histoire chilienne. Des papiers retrouvés sur une plage, des phares qui s’allument dans le brouillard, mais s’éteignent aussi vite, message ourdit et menaçant d’une surveillance omniprésente.
Carmen se trouve contrainte d’aider un jeune homme grièvement blessé et caché par le curé de la paroisse. Elle lui prodigue des soins tout en tentant de rester à distance. Petit à petit, elle s’implique auprès du jeune homme, tel un adultère, une seconde vie cachée à sa famille.
Le film devient alors de plus en plus oppressant, en parallèle de la peur qui s'installe et augmente chez Carmen.
Certains se sont arrangés de la dictature et ont continué leur vie aisée comme si de rien n’était. C’est ce parti pris rarement abordé au cinéma, qui donne toute sa singularité à « Chili 1976 ». Le quotidien d’une femme au foyer, qui se trouve rattrapée et bousculée intimement par la grande histoire des siens.
L’actrice Aline Küppenheim, est exceptionnelle dans son rôle de maitresse femme, à la fois chaleureuse en famille et tendue intérieurement.