Le réalisateur Greg Berlanti nous propose une comédie romantique sur fond de conquête spatiale, sur le papier on se dit « pourquoi pas ? ». Même s’il bénéfice d’idées sympathiques et autres petites qualités, le problème est que son long métrage est beaucoup trop long et nous fait carrément flirter avec l’ennui à de nombreuses reprises. On peut le découper en deux parties.
La première, qui consiste plus ou moins en une sorte de marivaudage entre une publicitaire fantasque et un directeur de lancement austère mais sexy, est tellement stéréotypée qu’on pourrait la croire écrite et tournée au second degré. Sauf que non, j’ai bien peut qu’on soit dans les codes de la comédie romantique pure et dure. La seconde partie est un peu plus réussie, quand on rentre dans le vif du sujet et du « faux film sur la Lune ».
Déjà, on peut souligner que la reconstitution des années 60, avec ses jolies tenus féminines, ses téléphones en bakélite, ses diners et des corvettes décapotables est soignée et coche toutes les cases de l’imaginaire américain des 60’s, cet âge d’or que l’Amérique n’en finit pas de regretter. Le film dure presque 2h15, et il parait nettement plus ce qui est mauvais signe. La faute surement à des scènes qui tirent trop en longueur quand elles ne sont pas superflues. On peut apprécier quelques traits d’humour discrets (le sbire de Nixon qui vante d’avoir « l’oreille partout »)
et surtout la scène finale sur le faux plateau, en miroir avec le vrai alunissage
,
et l’apparition d’un personnage imprévu (mais très amusant) sur le sol lunaire reconstitué
. Le film utilise pas mal les archives télévisuelles de l’époque, les vrais images de la NASA, ce qui fait toujours plaisir aux fans de la conquête spatiale. Mais ce long métrage, hyper produit, est réalisé sans magie et on s’y ennuie pas mal, quand on ne lève pas les yeux au ciel devant certaines scènes (par exemple, la réception chez le sénateur de Louisiane et la sempiternelle allusion à la « Foi en notre Seigneur »). Si les seconds rôles sont assez bien mis en valeur, par Woody Harrelson notamment, celui du metteur en scène efféminé et maniéré est carrément lunaire, c’est le cas de le dire. Jim Rash n’y est pour rien, le pauvre, si ce rôle est écrit comme une caricature à la limite de l’homophobie ! On peut faire crédit à Scarlett Johansson d’incarner, à l’aube des années 70, une femme moderne, dynamique et ambitieuse (mais très féminine et un peu midinette aussi, il ne faut pas exagérer la femme moderne !). En revanche, Channing Tatum en directeur de lancement de la NASA, il faut vraiment faire un gros effort pour y croire. Il est sanglé du début à la fin dans des polos moulants qui mettent bien en valeur ses muscles à une époque où tous les hommes sont en costume cravate et tirés à quatre épingles, c’est bizarre. Son jeu est peu expressif, il semble souvent ramer à côté de Scarlett Johansson, on est presque mal à l’aise pour lui dans ce costume beaucoup trop grand et trop improbable de directeur de lancement d’Apollo 11. Pour moi, là on est devant une vraie erreur de casting, et je ne dis pas souvent cela. Pour ce qui est du scénario, il voudrait surfer sur la théorie du complot qui voudrait que l’Homme n’ait jamais posé le pied sur la Lune et que Stanley Kubrick ait tout filmé en studio. Le film se moque de cette théorie farfelue et insultante pour les hommes courageux que furent Neil Armstrong, Michael Collins et Buzz Aldrin. Je comprends l’idée, mais je ne suis pas sure que « To the Moon » leur rende l’hommage qu’ils méritent. Pour cela, mieux vaut revoir « The First Man » de Damian Chazelle. Le scénario essaie de tout replacer dans le contexte de la Guerre Froide, du Vietnam qui s’enlise et de l’administration Nixon qu’il malmène copieusement. Il fallait du suspens pour que le film fonctionne et comme on ne peut pas le placer sur l’alunissage lui-même, on le place ailleurs :
est-ce que ce sont les vraies images que le monde entier à vu ce 21 juillet, ou la reconstitution de secours ? Le film y répond par une pirouette (plutôt amusante, surement le meilleur gag du film et de loin !).
« To the Moon » n’est pas désagréable à suivre, surtout si on est comme moi assez fan de tout ce qui est conquête spatiale. Mais ses longueurs, son coté très stéréotypé et le pauvre Channing Tatum gâche l’ensemble et en fait au final une comédie romantique sitôt visionnée, sitôt oubliée.